Une nouvelle carte à jouer : les petites et moyennes entreprises !

Par Bernard Cohen-Hadad, président de la commission Financement des entreprises de la CGPME et président du "think tank" Etienne Marcel.
Copyright Reuters

La France a-t-elle vraiment connu une crise financière ? Question légitime tant, lorsque l'on traite du financement des PME et de leur place dans l'économie de marché, le plafond de verre semble interdire toute progression. Les PME indépendantes sont poliment écoutées mais rarement entendues face aux grands groupes dans un débat économique  starisé  en manque d'idées nouvelles. Comment pourrait-il en être autrement puisque l'on veut gérer demain sans dessein, sans partage et sans projet humain ?

Dans ce florilège des idées reçues, les projecteurs se braquent sur les assureurs puisqu'ils drainent vers les PME une part non négligeable de l'épargne des Français, 20 à 26 milliards d'euros de placements à travers l'assurance-vie. Et les questions pressent : les assureurs sont-ils des partenaires pour les PME ? Dans quelle mesure les assureurs vont-ils répercuter les règles prudentielles de Solvabilité II ? Comment faire évoluer la pratique des assureurs en tant que financeurs des PME ?

Ces problèmes complexes ne doivent pas conduire à l'expectative mais au changement. Les compagnies d'assurances sont des entreprises internationales qui sont là pour couvrir des risques. Elles garantissent l'existence des PME et jouent le jeu de la concurrence pour accroître leurs positions sur le marché porteur des TPE-PME et ETI. À travers des réseaux d'intermédiaires, elles accompagnent les entrepreneurs, proposent des contrats pour les entreprises, leurs dirigeants, leurs salariés et... font entrer de la prime. Contrairement aux banquiers, les intermédiaires, dans les territoires, ressemblent aux TPE-PME. Ils ont vécu la crise. Les dirigeants d'entreprises sont satisfaits à 85% de leur réactivité. On se demande dans ces conditions pourquoi les assureurs - compagnies d'assurances et groupements d'intermédiaires - n'acceptent pas de faire un pas vers ces entreprises en soutenant l'initiative de la CGPME visant à faire bénéficier les TPE des facilités de résiliation, des contrats à tacite reconduction, accordée par la loi Chatel de 2005 aux particuliers. Être proche des petits entrepreneurs, c'est laisser aux TPE la liberté de choisir et ne pas les assimiler aux grandes entreprises !

Ensuite, on parle beaucoup de Bâle III pour préparer les PME à un durcissement du crédit, beaucoup moins de Solvabilité II. Et pourtant, l'entrée en vigueur de cette directive européenne est prévue pour 2013. C'est un sujet difficile et il convient de clarifier ses conséquences sur les entreprises d'assurances, l'exigence en niveau de fonds propres et, bien entendu, leur capacité à investir dans les PME. Solvabilité II fait partie de ces mesures européennes qui partent d'un bon sentiment - garantir aux épargnants la bonne santé financière des assureurs - et qui ont un effet pervers : paralyser tout un système. Les patrons de PME sont aussi des épargnants attentifs à la sécurité financière. Mais ces nouvelles contraintes risquent de renforcer le désengagement des investissements des assureurs dans les PME qui a déjà commencé, faute de rentabilité. La FFSA (Fédération française des sociétés d'assurances) ne déclare-t-elle pas avoir enregistré, en 2009, plus de 2,5 milliards d'euros de moins-values sur ses investissements dans le non-coté et toutes les sources ne montrent-elles pas un désengagement des assureurs pour les investissements en actions ?

On peut dans ce registre se demander si l'engagement pris par les assureurs en septembre 2004 d'accroître leurs investissements, à travers l'épargne des ménages à concurrence de 2% de l'ensemble de leurs actifs, dans les PME innovantes à fort potentiel de croissance, non cotées ou cotées, a encore aujourd'hui un sens. Cet objectif ambitieux n'a été atteint qu'en 2008. C'est un symbole mais pour la CGPME, depuis la crise et Solvabilité II, il n'est plus d'actualité. Nous attendons des assureurs autre chose qu'un pourcentage : un partenariat constructif de long terme pour accompagner les TPE-PME et ETI dans leur développement pour l'emploi. Par exemple, élargir le critère d'éligibilité des entreprises bénéficiaires afin de conforter les PME françaises indépendantes pour permettre aux plus performantes d'entre elles de se renforcer à l'export ou éviter de passer sous le contrôle de groupes internationaux ; accompagner et soutenir des TPE-PME responsables, celles qui ont de bons résultats, favorisent l'emploi, la formation professionnelle et l'égalité des chances. Aidons ces bonnes pratiques ! Il convient dans l'intérêt des PME d'orienter, avec transparence, le financement à travers le capital-investissement, encourager l'accès à la Bourse, stabiliser les règles fiscales et revoir les plafonds de déductibilité des fonds à destination des PME dans le sens d'une plus grande attractivité pour les épargnants.

Les chefs d'entreprises ne veulent pas être payés en mots mais rendre "profitable" le financement des assureurs vers les TPE-PME et les ETI. Ils attendent de l'État qu'il joue un rôle de facilitateur et veille aux conditions d'un dialogue équitable comme au respect des mesures nouvelles qui doivent nécessairement être prises. À défaut, ce mariage de raison ne sera qu'un marché de dupes.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.