Régulation : sans gendarme, pas de règles

Par Olivier Lecomte
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Il a déjà été beaucoup question de régulation bancaire dans ces chroniques. Le sujet peut sembler rebutant... et pourtant, il est probable qu'il ait plus d'impact sur l'avenir économique de notre pays que le débat autour des présidentielles. Pour preuve : dans l'affaire grecque qui secoue tellement l'Europe, la question de la solvabilité des banques constitue une épine majeure qui effraie (pour partie à tort) les États. Mais, bref.

On ne peut que se réjouir des propositions qu'a énoncées, le 25 juin, l'instance de supervision du Comité de Bâle, qui détermine les exigences s'appliquant aux banques dans le cadre dit de « Bâle III ». Elles visent les fameux établissements « systémiques », ceux qui, en cas de faillite, pourraient entraîner, par effet domino, l'ensemble du système financier. Leur premier mérite consiste à énoncer ce qu'on entend par établissement systémique, sur la base de cinq critères. Dans ma chronique du 30 novembre 2010, j'avais souligné le flou qui régnait autour de cette notion : la voilà au moins précisée en partie, même si l'on n'en connaît pas encore les détails.

Deuxième mesure, ces établissements se verront appliquer une exigence renforcée de solvabilité, avec un « coussin » supplémentaire de capitaux propres « durs ». Additionné au renforcement prévu par Bâle III pour toutes les banques, ce coussin pourrait donc, dans le cas des plus gros établissements systémiques, monter jusqu'à 10,5 % des engagements. Comparé aux 2 % prévus dans Bâle II, en vigueur avant la crise de 2008, c'est 5 fois plus. Au surplus, les méthodes de calcul, plus exigeantes, accroissent encore l'écart. Un progrès certain donc.

Pour autant, et sans vouloir être chagrin, nous ne sommes pas encore au bout, loin s'en faut. La pression devra encore s'exercer longtemps, sans relâche, pour parvenir à un niveau de risque acceptable. En voilà au moins trois raisons : d'abord, comme pour le reste de Bâle III, les nouvelles obligations, progressives, ne seront pleinement effectives qu'en 2019. L'application immédiate était certes impossible, mais a contrario un tel étalement est excessif. En deuxième lieu, il restera à prouver que l'épaisseur du coussin sera suffisante (certaines études montrent qu'il devrait être encore supérieur) et que les critères appliqués rendront bien compte du caractère systémique, ce qui n'est pas simple. Car, en même temps, ces critères devront être assez flexibles pour éviter qu'ils ne soient trop aisément contournés par les établissements concernés. On n'est pas loin de la quadrature du cercle... D'autant que le développement du « shadow banking » (intermédiaires quasi bancaires mais non régulés) concourt peut-être aussi au risque systémique, ne serait-ce que par son opacité.

Enfin, demeurera l'épineuse question du contrôle : voilà un redoutable défi ! D'abord, la transposition dans les droits nationaux est complexe. Ensuite, fixer une règle est une chose, la faire respecter en est une autre. Songez que l'Eurogroupe s'est fait par deux fois berner par la Grèce sur ses comptes publics. Alors, lorsqu'il s'agit de contrôler des milliers d'établissements auxquels s'appliquent des règles d'une complexité inouïe, vos inspecteurs doivent être non seulement nombreux, mais aussi extrêmement brillants... et donc coûteux. Plutôt James Bond que gendarme de Saint-Tropez. Or, en ces temps de restriction budgétaire, doubler ou tripler les moyens des superviseurs (ce qu'il faudrait) suppose une volonté politique forte, et ce n'est pas gagné : aux États-Unis, dans le domaine de la régulation des marchés, les républicains ont déjà restreint les subsides de la SEC (Securities and Exchange Commission). Bref, faute d'avoir pu éviter le durcissement des règles, il reste toujours au secteur financier un espoir : que les gendarmes roulent en deux-chevaux.

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