Les Européens doivent prendre le risque du fédéralisme

Par Jean-Dominique Giuliani, président de la fondation Robert Schuman.
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Les observateurs et les marchés financiers réclament avec insistance, depuis plus d'un an, une gouvernance économique de l'Europe qui soit plus  fédérale, c'est-à-dire qui traduise la volonté définitive des Etats d'agir dans un cadre européen, seul à même de valoriser leurs atouts en tant que grande puissance dans la compétition mondiale. Toutes les mesures prises par le Conseil européen depuis le depuis de l'année 2010 renforcent l'intégration européenne : la création d'un Fonds européen de stabilité financière ; l'instauration d'un semestre européen organisant l'examen des budgets nationaux ; le Mécanisme européen de stabilité permanent, destiné à répondre aux crises de dette éventuelles ; l'institution de quatre institutions de supervision financière.

Mais cela s'est révélé insuffisant à rétablir la confiance. Les Européens n'ont pas su vaincre la défiance et le scepticisme des marchés. Leurs procédures de décision, ouvertes et transparentes, ont révélé la lenteur de leurs consultations, voire leurs divisions, ont accru l'incertitude et miné leur crédibilité, au point que l'administration américaine elle-même s'en est émue. Un vrai fédéralisme européen serait alors le seul moyen de retrouver la confiance. De quoi s'agirait-il ?

Trois éléments constitueraient une véritable fédéralisation de l'Union européenne ou, au moins, de la zone euro : un vrai budget européen, une politique économique commune, une unité de parole de l'euro.

Le budget européen compte pour moins de 1% du PIB des Vingt-Sept, c'est-à-dire 138 milliards d'euros annuels de dépenses. A comparer avec les 23% du budget américain qui s'élève à 3.700 milliards de dollars. Il ne sert à rien de parler de gouvernance européenne sans une Union qui dispose d'un budget digne de ce nom, permettant de conduire des politiques de soutien, d'investissement ou de fiscalité à l'échelon européen. Tant que les Etats membres refuseront une contribution accrue aux politiques communes qu'ils décident par ailleurs, et quelles que soient les difficultés politiques et fiscales que cela ne manquera pas d'entraîner, on ne pourra pas parler de fédéralisation de l'économie et des finances européennes.

Dans l'attente d'un vrai budget commun, au moins devrait-on aller vers une convergence des politiques économiques et donc des budgets nationaux. Des pas importants ont été faits à la faveur de la crise de la dette. Le Pacte de stabilité et de croissance, seule règle commune jusque-là, n'ayant pas été respecté, le Pacte pour l'euro relance l'objectif de convergence et l'examen a priori des budgets nationaux, assorti de sanctions en cas de dérapages des finances publiques. Ces sanctions doivent être automatiques comme Jean-Claude Trichet l'a réclamé. Il a d'ailleurs suggéré une autre piste.

L'unité de parole et de représentation est essentielle. Un secrétaire d'Etat au Trésor européen, décideur économique, responsable devant les assemblées élues, doit permettre d'éviter la cacophonie qu'ont démontrée les Européens dans la crise. Il doit aussi représenter l'euro et l'Europe économique dans les instances financières internationales, à commencer par le FMI où l'on découvre que l'Espagne et l'Irlande votent contre Christine Lagarde, candidate européenne désignée à l'unanimité !

Ces trois éléments, constitutifs d'un vrai fédéralisme économique européen, manquent à l'Europe de l'euro. L'affirmation que les Etats membres les plus importants y réfléchissent ensemble suffirait probablement à donner un sens clair à la gouvernance économique européenne et à ramener la confiance. Or les dirigeants européens hésitent à prendre le risque politique d'un tel saut qualitatif de la construction européenne. Comment les convaincre de s'y engager et d'ainsi laisser leurs noms dans l'histoire en sortant par le haut du marasme actuel ? Vraisemblablement en imaginant et en faisant la promotion, à quelques-uns, d'un projet à long terme d'intégration progressive renforcée, qui respecte les impératifs démocratiques, tant il est vrai que la démocratie est née de l'obligation de rendre des comptes sur l'utilisation d'un argent public prélevé après l'accord d'assemblées représentatives élues par les citoyens. Et là, il y a encore du travail !

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