Le FMI peut-il sauver le monde de la faillite ?

Par Frederic Sautet, économiste au Marcus Center, à George Mason University.
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Pas un centime pour sauver la Grèce : l'intention du Premier ministre britannique annoncée le 21 juin à Downing Street pourrait difficilement être plus claire. Cependant, à admettre que le chef du gouvernement obtienne satisfaction, la Grande-Bretagne contribuerait tout de même d'une certaine façon - et non des moindres - à l'opération en sa qualité d'État membre du Fonds monétaire international. Que M. Cameron en soit contrarié ou non, ce paradoxe des positions a le mérite de soulever à nouveau une question trop souvent considérée comme acquise, à savoir celle du rôle et de l'efficacité du FMI auprès des États en situation de profonde détresse financière.

Conçu à Bretton Woods en 1944, le FMI procède d'une volonté d'éviter les crises économiques. Le monde émergeait alors des cendres de la Seconde Guerre mondiale et de la Grande Dépression : quarante-cinq gouvernements se mirent d'accord pour maintenir les grands équilibres macroéconomiques. Ils imaginèrent le FMI dans ce but : les pays membres en difficulté pourraient désormais compter sur les conseils de l'institution, et surtout sur ses prêts, pour retrouver le chemin de la stabilité.

Les bonnes intentions ne garantissent, hélas, jamais les bons résultats. Mais au-delà des intentions, c'est la qualité même du diagnostic originel qui fait question. Le FMI a été mis en place pour combattre des crises du capitalisme que l'on croyait inévitables. Les événements économiques et financiers des dernières décennies n'ont pas manqué de rappeler durement ce rêve à la réalité. L'existence du FMI a-t-elle amorti par exemple la crise des parités de 1971 ? Non. Les pays membres du Fonds s'étaient mis d'accord en 1945 pour conserver la parité de leurs taux de change avec le dollar d'une part, et celle du dollar et de l'or d'autre part. Mais les problèmes de balance de paiement, en partie dus à des politiques monétaires laxistes, en décidèrent autrement : le système vola malgré tout en éclats. Quelques années plus tard, en 1979, le FMI a-t-il empêché la déstabilisation de l'ensemble du système monétaire ? Non plus, et ce, malgré ses efforts de coordination internationale par une politique expansionniste de relance de la demande et d'emprunt massif.

Le FMI serait-il, dans les faits, incapable de remplir son mandat ? Peut-être bien, si l'on resitue l'origine des crises à sa juste place, c'est-à-dire non pas dans la fatalité, mais dans l'existence même d'institutions qui limitent l'ajustement des prix, des taux d'intérêt et de la masse monétaire. En effet, la notion de politique de relance de la demande (par l'emprunt) procède de l'idée que la régulation automatique des équilibres macroéconomiques n'existe pas, c'est-à-dire que la loi de Say, qui postule que l'offre crée sa propre demande, n'est pas valable. Pour Keynes par exemple, la crise résulte d'un déficit de demande (globale) qui ne peut être suppléé que par l'intervention étatique.

Au contraire, pour les économistes classiques, David Ricardo ou John Stuart Mill notamment, les crises économiques sont la manifestation d'un déséquilibre temporel entre la consommation (la demande) et la production (l'offre). La source du problème se trouve dans l'intervention publique sur le marché monétaire, qui fausse les signaux que les entrepreneurs utilisent pour ajuster leur offre. Par exemple, un producteur ne peut pas savoir si une augmentation de la demande pour son produit est véritable ou si elle est le résultat d'un excédent de monnaie. Si le signal est faussé, l'offre ne s'ajuste pas à la demande, alors que, en l'absence d'intervention, le marché s'autorégule.

Si l'on reconnaît avec les classiques que les crises économiques ne trouvent pas leur source dans un déficit de la demande, mais dans le parasitage des signaux de prix et d'intérêt par les institutions étatiques, alors c'est en vain que le FMI essaie de remplir son mandat. Depuis le début de la crise actuelle, le Fonds a considérablement augmenté sa capacité de prêt, qui s'élève à plus de 750 milliards de dollars, pour aider les Etats en difficulté comme la Grèce. Bien que l'urgence de la situation porte à croire que cette intervention est indispensable, il faut aussi réaliser que de tels prêts ne feront que retarder les ajustements nécessaires, dans la mesure où ils n'assainissent pas le système à la base. Si la cause des crises est institutionnelle, c'est la tendance naturelle des États à dépenser, taxer, emprunter et générer de l'inflation qu'il s'agit d'endiguer. L'étalon or avait, de ce point de vue, un rôle fort important à jouer car, sauf à le rejeter, il ne pouvait pas être manipulé. Sans cela, même en présumant les meilleures intentions, le mandat du FMI restera un rocher de Sisyphe. Pour ne pas être écrasé par les crises, le temps est venu de dépasser le keynésianisme pour retrouver les fondamentaux de Say et se concentrer sur la qualité des institutions qui régissent les décisions étatiques.

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