La dette locale chinoise, un non-problème

La dette des gouvernements locaux chinois atteint des proportions considérables. Elle représente à elle seule 60% du PIB. Mais, comme par le passé, le gouvernement central épongera les mauvaises dettes et recapitalisera. Une façon d'évacuer le problème.
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Alors que le spectre de la faillite vient d'agiter à nouveau la Grèce, la Chine elle aussi connaît son propre problème de dette qui ne cesse de grossir depuis la crise. Un problème très chinois de fond en comble.

Depuis plusieurs mois déjà, voire plus d'un an, les agences de notation et analystes tirent la sonnette d'alarme sur les dettes des gouvernements locaux contractées en grande partie entre 2008 et 2009. Les inquiétudes portent tant sur l'étendue du problème, sur la rapidité de l'endettement, et surtout sur le manque de détermination du gouvernement central à vouloir enrayer le problème.

Credit Suisse, dans un rapport publié au début du mois de mai, met le problème en haut de ses préoccupations économiques et revoit à la baisse ses projections de croissance du PIB. L'agence Fitch estime que ces dettes vont poser de sérieux problèmes aux banques. Sur le papier du moins, les chiffres sont alarmants. En 2008, le gouvernement central a prévu un plan de relance de 586 milliards de dollars, soit 13% du PIB. C'est ajouté à cela une pression de la banque centrale sur les gouvernements locaux "pour soutenir les grands projets d'investissement". Et c'est ce qu'ils ont fait par le biais de "véhicules d'investissements". Rappelons que les gouvernements locaux ne peuvent ni emprunter directement aux banques ni émettre des obligations. Leur seule manière de lever des fonds auprès des banques est de créer ces coquilles souvent vides. En contrepartie, les gouvernements locaux injectent comme garantie des terrains, ce qui lie dangereusement leurs intérêts avec ceux du secteur immobilier. Au total, il existerait 8.000 de ces entités lancées dans des projets faramineux, qui, souvent, dépassent leur compétence. Historiquement, les gouvernements locaux se soucient assez peu de la rentabilité de leurs investissements et les banques restent très indulgentes à cet égard. En outre, leur principale source de revenu, la vente de terrain s'est sensiblement ralentie ces derniers mois.

Calculer l'étendue du problème reste difficile et un véritable casse-tête pour les économistes. Plusieurs audits ont été faits par les différentes agences gouvernementales : banque centrale, régulateur (le CBRC) et plus récemment par l'Auditeur national. Aucune des agences ne calcule de la même manière et aucune ne parvient donc au même résultat. Pour simplifier, disons que les dettes des gouvernements locaux sont estimées globalement entre 15,4 trillions de yuans et 20,1 trillions, soit entre 50% et 60% du PIB. Les intérêts sont, eux, estimés à 1,3 trillion de yuans remboursés en grande partie par la vente de terrains. Quant aux prêts qui vont faire défaut, là aussi la comptabilité chinoise reste particulièrement opaque. Une grande partie a déjà disparu mystérieusement du bilan des banques via le placement de produits financiers. Ils sont estimés de 30 à 50% du total.

Mais le vrai souci pour les économistes vient du fait que le gouvernement, tout en reconnaissant qu'il y a un problème, ne semble pas prêt à agir. Mis à part quelques mises en garde, aucune vraie mesure n'a été prise pour enrayer le problème. Or, les banques continuent à financer et à prêter pour des projets déjà entamés et beaucoup de prêts n'arriveront qu'à échéance dans cinq ans. Le problème n'est donc pas près de disparaître. Victor Shih, professeur d'économie à l'université de Northwestern et sans doute celui qui s'est penché le plus près sur ce problème, estime que les dettes des seuls véhicules d'investissement pourraient s'alourdir d'encore 12,4 trillions de yuans l'année prochaine et les créances douteuses atteindre 7% du PIB.

Mais, de fait, quel intérêt aurait vraiment le gouvernement chinois à geler des projets, à augmenter les taux d'intérêt, mettant du coup un vrai coup de frein au crédit et à l'économie ? En fait aucun. Et les gouvernements locaux le savent. Notons par exemple que la municipalité de Chongqing, meilleure élève en Chine pour l'ampleur de ses investissements, compte investir encore 7 trillions de yuans d'ici à 2012. Les banques savent très bien que, à terme, le gouvernement central va tout simplement intervenir et éponger les mauvaises dettes et recapitaliser. Il a déjà fait dans le passé. Et il continuera à le faire. Une source au ministère des Finances estime que déjà 2-3 trillions de yuans sont prêts, à cet effet. Comme le rappelle l'économiste Andy Rothman chez CLSA : "c'est une boucle fermée. Des banques contrôlées par le Parti communiste prêtent de l'argent aux gouvernements locaux contrôlés eux aussi par le Parti pour financer des projets approuvés par le Parti." Le gouvernement central dispose de suffisamment de mainmise sur l'économie pour éviter que le scénario chinois se transforme en crise du système bancaire et suive le chemin de la Grèce.

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