Qui veut la peau de la filière photovoltaïque ?

Par Thierry Mueth, PDG de Coruscant, vice-président d'Enerplan.
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Partout dans le monde l'énergie solaire est en plein essor. Les pays développés y voient le moyen de produire une énergie propre, de proximité, tout en réduisant leurs émissions de gaz à effet de serre. Les pays émergents veulent produire rapidement de l'énergie bon marché. Voilà pourquoi toutes les grandes nations industrielles (Allemagne, Etats-Unis, Japon, Chine) soutiennent leurs PME dans ce secteur, leurs champions de demain. Notamment bien sûr notre grand voisin : la fameuse PME à l'allemande - modèle tant vanté par nos élites politiques - s'épanouit dans le secteur solaire.

En France, de 2007 à 2010, la filière solaire avait créé 25.000 emplois, dans des domaines allant de la fabrication de panneaux à la pose des équipements. En six mois, le gouvernement a détruit un tiers de ces emplois parce qu'il a "changé d'avis" et qu'il y avait "surchauffe". Surchauffe ? À titre de comparaison, l'Allemagne, qui ne s'est imposé aucune limitation, a installé 7.000 MWc d'énergie solaire pour la seule année 2010. Elle dispose à ce jour de 17.000 MWc, à rapporter aux modestes 1.000 MWc installés en France, qui paniquent nos dirigeants.

Les chefs d'entreprise qui ont investi dans le solaire ont vraiment cru que la France voulait jouer un rôle en matière d'énergies renouvelables. Ils ont cru aux propos du président Sarkozy prononcés le 9 juin 2009 : "nous allons devenir leader dans les énergies renouvelables au même titre que nous sommes leader dans les énergies nucléaires (...) On doit créer des emplois dans le solaire en France. Allez-y, développez la filière."

Depuis, ils assistent impuissants à un revirement spectaculaire : le gouvernement a mis en oeuvre une véritable guillotine juridique pour décapiter les PME, laissant le champ libre aux quelques groupes du CAC 40 qui viennent de découvrir le solaire. Après un an de tergiversations du législateur, en décembre dernier, un "moratoire" de trois mois a été imposé au secteur : de décembre 2010 à début mars 2011, l'Etat a voulu réfléchir "sereinement" en gelant toute activité de raccordement d'énergie solaire, suscitant une première vague de disparitions d'entreprises dans le secteur.

A l'issue de ce moratoire, le gouvernement a décidé de fixer des règles si draconiennes pour les nouveaux projets d'installation qu'elles aboutiront de fait à réserver le marché du photovoltaïque aux plus gros et aux plus solides. Certes, pour les projets de taille modeste, les centrales solaires jusqu'à 100 kWc (soit environ 700 m2 de panneaux solaires), les règles restent relativement simples. Mais ce sont des projets modestes qui intéressent plutôt des TPE.

Mais pour les projets de plus grande ampleur, ça se corse : non seulement la procédure est complexe mais elle est aussi prévue de telle façon que les entreprises ne pourront déposer les premiers dossiers qu'en décembre 2011. Elles n'auront donc une réponse qu'en avril 2012. Et si celle-ci est favorable, le projet pourra débuter. Gardons à l'esprit que, depuis décembre 2010, les entreprises porteuses de projets supérieurs à 700 m2 de panneaux ne travaillent déjà plus. Quinze mois sans avoir le droit de travailler ! Quelle PME peut résister ?

Dans ces appels à projets longs et complexes, apparaît aussi l'arbitraire : les "ombrières" de parking ont ainsi été exclues de la procédure sans qu'aucune raison n'ait été donnée à ce jour. Une ombrière est pourtant une solution idéale : elle occupe un foncier déjà bâti, n'impacte pas le paysage et protège les véhicules du soleil et des intempéries. Renault a ainsi prévu d'équiper six de ses usines d'ombrières solaires, dotées de bornes de recharge de véhicules électriques.

Le seul moyen d'arrêter l'hécatombe dans les rangs des PME solaires françaises serait de mettre en oeuvre immédiatement un tarif fixe et transitoire pour les projets de taille intermédiaire (de 100 à 250 kWc) afin de générer un volume de contrats minimum avant mi-2012. Si la France veut conserver un vivier de PME, d'où pourrait émerger dans dix ans une multinationale de l'énergie renouvelable, elle se doit de ménager leur santé financière. Pour cela il faut leur allouer un ballon d'oxygène sous forme d'un marché accessible, avec des tarifs d'achat connus et hors d'une procédure d'appel d'offres complexe et incertaine.

Les nouveaux secteurs créateurs d'emplois ne sont pas si nombreux en France et développer une filière d'avenir tout en luttant contre le réchauffement climatique est une perspective magnifique. Le gouvernement doit laisser travailler ces PME afin qu'émerge demain, dans ce secteur, une multinationale française.

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