Marché auto : vers une rupture des stocks ?

La prime à la casse et sa sortie en sifflet ont perturbé le marché automobile. Les constructeurs ont anticipé une forte baisse des achats. Une baisse peut-être sous-estimée. Avec les conséquences au Japon du tremblement de terre, cette erreur de prévision amène les constructeurs près de la rupture du stock.
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Avec une chute du marché dans toute l'Europe, le secteur automobile fait face à de nombreuses déconvenues qui vont perdurer dans les mois à venir. Pour sortir d'un contexte de crise économique grave, le marché a été faussé en bénéficiant de subventions étatiques soutenues jusqu'à fin 2010. Alors que les aides automobiles attribuées par de précédents gouvernements (Balladur et Juppé) avaient été arrêtées brusquement, le bonus écologique et le super bonus (prime à la casse) ont été conçus pour disparaître progressivement. À première vue, cette mesure pourrait donc paraître bénéfique. Néanmoins, les effets engendrés par ces primes continuent à fausser la donne.

De "vraies-fausses primes", établies par les constructeurs, accessibles en réalité sur des critères très restrictifs, ont tenté de faire perdurer l'effet "prime à la casse" en début d'année. Le parc automobile français a été dopé par les dispositions précédentes et ces ersatz de subventions des constructeurs. Toutefois, la consommation existe bel et bien. Or, les constructeurs, habitués du phénomène prime à la casse, ont reconstitué au minimum leurs stocks en pensant s'adapter à une demande à venir en chute libre. Ils ont surestimé la baisse de la consommation.

Se sont ajoutées à ce phénomène l'explosion de la centrale de Fukushima et les retombées économiques au Japon. Les fournisseurs japonais interviennent dans les processus de production de l'essentiel des constructeurs. Ainsi, on voit émerger des retards conséquents sur les livraisons des voitures japonaises, bien sûr, mais aussi françaises et européennes. Partout, de nombreuses commandes sont purement et simplement annulées étant donné le manque de stocks prévus et l'impossibilité des constructeurs à honorer les configurations établies de leurs véhicules. Pour pallier cette situation, ils préparent des niveaux d'équipements différents afin de pouvoir anticiper les retards à venir sur les pièces issues de fournisseurs japonais. On peut donc craindre une chute brutale des ventes de certaines marques sur le troisième trimestre.

Dans ce contexte morose, on parle de fermetures d'usines automobiles des plus grands constructeurs en France et certaines marques comme Chrysler et Dodge disparaissent complètement du paysage européen. Bien que Peugeot profite aujourd'hui d'une notoriété assise, grâce à une gamme innovante et compétitive, la rentabilité de ses concessions perd 20% sur le premier semestre 2011.

Surtout, les acheteurs, sur la période précédente, avaient renoncé à des voitures de moyenne et haute gamme au profit de petits modèles donc de petites motorisations bénéficiant de bonus. Ces subventions n'existant plus, ils reviennent à leurs choix initiaux, sur des voitures sensiblement plus chères et mieux motorisées. Ce qui avait été mal anticipé.

Du coup, les délais de livraison s'allongent, c'est désormais un fait : certains véhicules en précommande chez les concessionnaires ne sont pas livrés en temps et en heure et un retard compris entre trois et neuf mois est déjà assuré. Plusieurs catégories d'équipements (radars de recul, GPS, autoradios...) seront manquantes sur les véhicules livrés. De grandes marques françaises continuent à prendre (sciemment ou inconsciemment) des commandes alors que les chaînes de production ont été fermées. De ce fait, de nombreuses commandes sont et seront annulées. Certains consommateurs, qui étaient arrêtés sur un niveau de finition spécifique quant à leur prochaine voiture, seront vraisemblablement surpris des changements lancés par les constructeurs. En effet, pour faire face à la pénurie de Fukushima, ils réorganisent leurs finitions et changent leurs niveaux d'équipements.

Les "signaux faibles" d'une rupture de stock généralisée sont déjà là : en concession, les consignes sont de mettre le frein sur les remises clients afin de tenter de retrouver la rentabilité, divisée par deux sur de nombreuses marques au cours du premier trimestre.

Le manque de stock est tel que le secteur de l'automobile n'avait pas connu pareille situation depuis vingt-cinq ans. C'est du jamais-vu, à tel point que certains concessionnaires commencent à acheter des voitures en stock chez les mandataires pour alimenter leurs clients. Avec le début des grandes vacances et des grands départs, beaucoup de Français ont misé sur l'achat d'une nouvelle voiture pour allier économies de carburant et sécurité. Beaucoup n'ont pu être livrés avant les migrations estivales.

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