Privatisations : la voie risquée de l'humiliation

Par vsegond@latribune.fr  |   |  362  mots
Copyright Reuters
Par Valérie Segond, éditorialiste à La Tribune

Il y a quelque chose de gênant dans les privatisations massives que le FMI et l'Union européenne imposent aujourd'hui à la Grèce, en contrepartie de leur aide financière : la perte de souveraineté d'Athènes qu'elles recèlent. Les partisans de ces ventes d'actifs publics y voient, outre un moyen de procurer à la Grèce des capitaux rapidement et de mieux gérer les entreprises cédées, le prix à payer pour avoir vécu grassement et trop longtemps en passager clandestin de l'euro : les Grecs ont profité de la vertu allemande pour vivre au-dessus de leurs moyens en s'endettant à bas prix ? Qu'ils en perdent leurs joyaux et leur liberté, seule manière d'éviter que l'aléa moral ne se généralise ! Seulement, comme toujours, l'argument moralisateur risque de se révéler rapidement contre-productif, voire dangereux. Même avec des estimations gonflées, ces privatisations n'apporteront qu'une goutte d'eau aux besoins d'Athènes et ne résoudront guère les problèmes de sous-compétitivité chronique et d'insolvabilité structurelle de son économie. Car ainsi imposées sans avoir été préparées, elles seront au mieux inefficaces, au pire encore plus déstabilisatrices. Dès lors, était-ce bien nécessaire de lui imposer une telle humiliation, inévitable terreau d'un futur ressentiment national contre l'Europe ? D'autant, pronostique l'économiste de l'OFCE, Xavier Timbeau, que « contraindre les Grecs à privatiser dans la précipitation, c'est-à-dire à vendre leurs plus beaux actifs et terrains à prix bradés à quelques prédateurs, voire à des mafias qui bâtiront des fortunes en contrôlant la régulation et le pays tout entier, c'est leur faire perdre doublement leur souveraineté ». Il y a dans ce programme forcé et précipité, qui vient s'ajouter à une austérité déjà douloureuse, un mélange de revanche de courte vue et des relents de prédation des différents lobbies - à commencer par celui des banques -, qui rappelle de fort mauvais souvenirs et fait redouter le pire. Tout ça pour ne pas prêter à la Grèce à 0 %, et tenter d'éviter une restructuration qui paraît de plus en plus incontournable ? Voilà un bien mauvais calcul.