Trois scénarios pour la tragédie grecque

Pascal de Lima économiste et enseignant à l'IEP de Paris
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Voilà un an que le sauvetage financier de la Grèce par la Troïka (Union européenne, Fonds monétaire international et Banque centrale européenne) a eu lieu. Un nouveau soutien financier est prévu à la table des négociations car c'est bien la situation économique du pays qui continue d'inquiéter. Les taux d'intérêt ne se sont pas vraiment détendus et la Grèce entre dans une nouvelle période de récession. Ici, les restructurations resurgissent clairement du débat. Celles-ci posent plusieurs problèmes : elles ne résolvent en rien la question du ratio dette publique sur PIB, qui reste l'une des préoccupations des marchés financiers. De plus, ce système peut aussi s'apparenter à une décote si le montant des taux d'intérêt évolue en défaveur des créanciers et... de la BCE. La restructuration sous la forme d'une décote avec échéances de remboursement très éloignées aurait des conséquences sur les banques privées exposées. D'ailleurs, toute restructuration a un coût d'autant plus élevé qu'elle se rapproche du défaut pur et simple : affaiblissement du système bancaire des créanciers, de la BCE, contagion, et la question de la sortie de la zone euro peut être relancée. Décote et allongement lointain des horizons de remboursement ne constituent-ils pas finalement les deux composantes d'un défaut déguisé sans le dire ? Ici, on prend des décisions de court terme pour éviter de parler du défaut à long terme de la Grèce et qui aurait évidemment des conséquences sur l'Europe.

Trois orientations de court terme sont actuellement possibles :

1. La version allemande qui prône une restructuration sur la base du volontariat. L'idée consisterait à renouveler la dette grecque arrivant à maturité car la note grecque est maintenant à trois crans du défaut. Vision également partagée par la France qui ajoute des conditions à cela : une renégociation des taux d'intérêt à des conditions identiques à celles qu'exige le FMI à la Grèce, et des garanties assurées par le Fonds européen de stabilité financière (FESF). Les banques privées seront amenées à demander une prime de risque pour compenser ce qui s'apparente à un « haircut » ou à une décote. Cette prime de risque pourrait être indexée sur le PIB de la Grèce.

2. Une solution française « améliorée » : on créerait une structure fictive pour les dettes arrivant à échéance. Cette entité fictive réinvestirait 70 % des remboursements en une quote-part de dette grecque et une autre part dans le FESF qui émettrait des titres « zéro coupon ». Cela ressemble étrangement à de la titrisation...

3. La position de la BCE enfin, qui ne veut surtout pas entendre ce qui pourrait, de près ou de loin, s'apparenter à un quelconque défaut. Elle perdrait terriblement en crédibilité. De plus, la BCE détient des titres grecs en garantie qu'elle ne peut voir se déprécier par décote puisqu'ils servent justement de garanties dans le cadre de procédures de financement.

Fidèle à la célèbre phrase de Georges Papandréou : « soit l'Europe écrit l'histoire, soit l'histoire fait une croix à l'Europe », une solution ambitieuse à plus long terme se trouverait du côté d'un grand emprunt public européen. Une autre solution consisterait à créer un grand emprunt collectif au sein des pays de la zone euro par la BCE et le Mécanisme européen de stabilité qui doit fonctionner dès 2013. Cela arrêterait la spéculation, le risque de contagion, tout en maintenant les sacrifices nécessaires. Les actifs plus ou moins toxiques pourraient être rachetés par le FESF.

Notée triple A, cette dette permettrait d'abaisser le taux d'intérêt appliqué aux emprunts grecs. Il faudra cependant réfléchir à ce que signifie, pour un pays comme la Grèce, la croissance économique. Vers quels secteurs orienter les dépenses publiques, quels sont les avantages comparatifs et spécifiques de la Grèce ? L'Europe pourrait avoir un droit de regard supplémentaire là-dessus. Ou alors il faut faire une croix sur l'Europe et la question du défaut.

Il faut avoir le courage de le dire : un emprunt collectif noté triple A ou le défaut de la Grèce accompagné d'une prise en charge de la politique économique au niveau global ou local restent les seules solutions viables à long terme.

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