L'été sera chaud (et pas qu'en Grèce)

Olivier Lecomte, professeur de finance à Centrale Paris
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Jean-Claude Trichet l'a répété lors des Rencontres économiques d'Aix, auxquelles il faisait ses adieux en tant que président de la BCE : nous n'avons plus les moyens de subir une nouvelle crise financière, car il ne sera plus possible, comme en 2008, d'injecter l'équivalent de 27 % du PIB pour soutenir l'économie et sauver le système. Le Canadair des pompiers est donc vide alors que, sur le front des dettes souveraines, l'été s'annonce torride et les incendies menacent.

La question de la résolution de telles crises a toujours été complexe. D'un côté, les prêteurs entendent être protégés car ils ne disposent pas des mêmes recours qu'avec un débiteur privé : ils ne peuvent saisir ni les biens ni les revenus d'un État, et ceux-ci ont, historiquement, souvent abusé de la situation. En outre, trop faciliter la restructuration accroît le risque de « hasard moral », les pays étant alors encouragés à se surendetter. La maîtrise des déficits publics restant déjà souvent au stade du voeu pieux (pour preuve le non-respect du Pacte de stabilité par la France et l'Allemagne au début des années 2000), inutile d'ajouter d'autres tentations. Ajoutons que des réaménagements trop fréquents se retourneraient contre les États, la prime de risque à acquitter aux prêteurs s'en trouvant inévitablement fortement majorée. Enfin, force est aussi d'admettre que certaines mesures indiscutablement nécessaires (comme l'amélioration du système fiscal grec) ne peuvent être obtenues que lorsque le débiteur a le canon du fusil sur la tempe. Reste que, lorsque la situation du débiteur est insoutenable, il n'existe que deux voies possibles, éventuellement combinées : le « bail out » financé par des tiers (FMI, ou, dans le cas de la Grèce, les autres pays de l'UEM) et donc, ultimement, payé par les contribuables d'autres pays ; et la restructuration, avec perte d'une partie de leur créance par les prêteurs. La solution doit être équilibrée, et donc élaborée par un arbitre externe qui, après une phase de négociation, doit pouvoir l'imposer à toutes les parties (afin d'éviter qu'un créancier mineur ne compromette l'issue).

Les obstacles sont hélas multiples : intérêts nombreux et divergents, difficulté à trouver, s'agissant d'États, un tiers vraiment indépendant, désaccord même sur le caractère soutenable ou non, etc. Cela explique, entre autres, pourquoi en 2002 la tentative d'Anne Krueger, alors directrice générale adjointe du FMI, visant à définir un mécanisme commun de restructuration des dettes souveraines, échoua. Pourtant, beaucoup des principes énoncés à cette époque-là pourraient nous inspirer aujourd'hui. Trois questions se posent. Premièrement, existe-t-il encore des doutes sur le caractère insoutenable de la situation grecque ? Deuxièmement, la BCE ne s'est-elle pas tiré une balle dans le pied en déclarant le 19 mai qu'elle cessera d'accepter les emprunts d'État grecs comme collatéraux en cas de restructuration ? Troisièmement, faut-il laisser les agences de notation décréter seules si telle ou telle solution constitue ou non un défaut et dire la norme ? Les réponses sont malheureusement évidentes, et découlent d'une navrante faiblesse politique, sur fond de bisbille franco-allemande.

Il est urgent que les pays membres de la zone euro se souviennent des raisons pour lesquelles ils ont créé la monnaie unique. Il est impératif que la France et l'Allemagne redécouvrent le rôle fondateur qu'elles ont joué dans la création de l'Union, et qu'avec le FMI elles élaborent une solution ambitieuse et mettent tout leur poids dans la balance pour la faire accepter. Aux deux plus grandes puissances économiques de la zone euro de reprendre de la hauteur et de retrouver leur rôle historique dans la construction européenne. Sinon l'été risque en effet d'être pénible et la rentrée douloureuse.

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