Innovons pour financer les énergies de demain

Le modèle historique de financement dans l'énergie a été remis en question par le mouvement de dérégulation. Et face aux immenses besoins, il sera incontournable de partager l'effort d'investissement avec des investisseurs privés.
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C'est l'effet papillon. La catastrophe tragique de Fukushima s'est invitée dans la campagne présidentielle française de 2012. En ébranlant fortement les opinions publiques, en rappelant que le nucléaire est aussi nécessaire que dangereux, elle a contraint les chefs d'État à se positionner dans l'urgence sur le sujet du nucléaire. Mais le débat n'est pas tranché. Le sujet sera décisif dans le débat électoral : les candidats devront tous se positionner clairement sur les choix qu'ils retiennent pour assurer l'indépendance énergétique de la France à long terme.

Mais au final, la France, dont plus de 75 % de l'électricité provient du nucléaire, ne pourra pas en sortir totalement ou bien avant vingt à trente ans.

Se posera alors la vraie question : comment continuer à financer ce secteur ? Car le nucléaire, ce sont des investissements massifs, de la construction d'un réacteur au démantèlement des centrales, qui de ce fait sont d'ailleurs amortis sur des durées de plus en plus longues. Songeons que l'EPR de Flamanville en cours de construction nécessitera près de 6 milliards d'euros d'investissement et plus de sept années de construction.

Et il n'y a pas que le nucléaire : pour permettre la mutation de l'Union européenne vers une économie émettant moins de carbone, les investissements devront se multiplier dans tous les secteurs. Les énergies renouvelables, pierres angulaires d'une politique énergétique durable, nécessiteront elles aussi des investissements significatifs. Quant aux besoins d'investissement dans les secteurs de l'électricité et du gaz, ils ont été estimés par la Commission européenne à plus de 1.000 milliards d'euros d'ici à 2020 au niveau européen.

Face à cette explosion des besoins de financement, le modèle historique de financement dans l'énergie a été remis en question par le mouvement de dérégulation engagé dans les années 1990. Auparavant, il reposait le plus souvent sur des entreprises de monopole public. Cette dérégulation a signifié un désengagement de l'État et, partant, un recul de l'investissement de long terme dans le secteur de l'électricité. L'exemple du Royaume-Uni est frappant : d'ici à 2016, son système électrique sera dans une situation de déséquilibre si aucune action publique vigoureuse n'est engagée.

En France, nous n'en sommes pas là, mais le groupe EDF ne pourra probablement plus supporter seul l'effort d'investissement indispensable dans la production électrique sur les vingt années qui viennent. À lui seul, le coût du renforcement de la sûreté des centrales nucléaires - si l'on décide de les faire fonctionner au-delà des quarante ans - est estimé à plus de 35 milliards d'euros sur dix ans. Le remplacement du parc nucléaire actuel par des EPR nécessiterait, quant à lui, des investissements de près de 150 milliards d'euros sur dix ans aussi. Or il devra être engagé à partir de 2025 si l'option nucléaire est maintenue.

Partout ailleurs, en Europe, de gros efforts d'investissements publics dans les infrastructures liées à l'énergie seront indispensables. Il sera sans doute incontournable de les partager avec des investisseurs privés, surtout dans un contexte de tensions sur les finances publiques. Il ne s'agit en aucun cas de privatiser : la puissance publique doit garder le contrôle de ses sites nucléaires. Ne serait-ce que pour décider, le cas échéant, d'en arrêter l'exploitation avant le terme initialement prévu.

Mais le système du partenariat public-privé (PPP) qui finance déjà aujourd'hui les grandes infrastructures de long terme (autoroutes, ponts, réseaux ferrés...) gagnerait à être exploré. Il nous paraît possible, dans le secteur du nucléaire et de l'énergie en général, d'entrer dans une logique de contractualisation longue entre acteurs privés et publics.

L'intérêt des investisseurs institutionnels pour le financement d'infrastructures stables et rentables est très fort. Il a permis aux fonds Meridiam de lever d'ores et déjà plus de 1 milliard d'euros cette année. Sachant que le PPP laisse aussi l'opérateur public libre de gérer ses actifs comme il l'entend, notamment d'en arrêter l'exploitation avant terme, en indemnisant de manière adaptée les investisseurs.

Reste un point à résoudre. Cette forme de financement longue implique une relative stabilité des prix de l'électricité, stabilité que les marchés européens aujourd'hui ultra-libéralisés ne peuvent plus garantir. Pour financer ces projets gigantesques et de très long terme, il faudra donc revenir à plus de régulation et d'encadrement des prix dans le secteur de l'énergie...

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