L'avenir toujours incertain des pays en développement

Un vent d'optimisme souffle sur ces pays. Mais une croissance soutenue requiert plus qu'une bonne politique économique d'ouverture. Leurs performances dépendront aussi du bon vouloir des pays riches.
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Pour la première fois peut-être dans l'histoire moderne, l'avenir de l'économie globale est entre les mains des pays pauvres. Les États-Unis et l'Europe luttent tels des géants blessés, victimes de leurs excès financiers et de paralysie politique. Dans le même temps, une grande part du reste du monde déborde d'énergie et d'espoir. Selon certains indicateurs, la Chine est déjà la plus grande économie mondiale et les marchés émergents et les pays en développement contribuent pour moitié à la production mondiale. Les pays en développement sont-ils cependant réellement en mesure de porter l'économie mondiale ?

Une grande part de l'optimisme concernant leurs perspectives résulte d'extrapolations. La décennie 2000 a été, en plusieurs points, la meilleure que le monde en développement ait jamais connue. Mais cette période, unique en son genre, est caractérisée par de forts vents porteurs. Les prix élevés des matières premières ont bénéficié aux pays africains et latino-américains, et les financements bon marché ont abondé. En outre, de nombreux pays africains ont rebondi après avoir touché le fond. Et bien sûr, la croissance rapide des pays avancés a entraîné un fort sursaut du commerce international.

La crise que traversent les pays avancés ne doit en principe pas entraver les performances des pays pauvres. La croissance dépend de facteurs d'approvisionnement - investissements et acquisitions de nouvelles technologies - et les réserves de technologies susceptibles d'être adoptées par les pays pauvres ne disparaissent pas lorsque la croissance des pays avancés est léthargique. Le potentiel des économies à la traîne est donc déterminé par leur capacité à réduire le fossé qui les sépare de la frontière technologique et non par la vitesse de progression de cette frontière.

La mauvaise nouvelle est que nous manquons encore d'éléments pour comprendre comment et quand cette convergence se produira. Certains cas de réussite ont fait l'objet d'interprétations. Certains attribuent le miracle asiatique à des marchés plus libres tandis que d'autres estiment qu'il est dû à l'intervention de l'État. Et beaucoup d'économies se sont essoufflées. Les optimistes pensent que, cette fois, c'est différent. Ils estiment que les réformes des années 1990 - une meilleure politique macroéconomique, plus d'ouverture et plus de démocratie - ont mis le monde en développement sur le bon cap pour une croissance soutenue.

Ma lecture des faits me rend plus réservée. Il y a certainement des raisons de se réjouir de l'abandon des politiques inflationnistes et d'une meilleure gouvernance. Mais maintenir une croissance rapide requiert un peu plus : des politiques visant à stimuler la production, ce qui encourage un processus constant de changements structurels et génère de l'emploi dans les nouvelles activités. Une croissance fondée sur les afflux de capitaux ou un boom des matières premières ne dure jamais longtemps. Une croissance durable requiert des incitations innovantes pour encourager l'investissement du secteur privé dans les nouvelles industries - avec le moins de corruption possible.

L'histoire nous apprend que l'éventail des pays susceptibles d'y parvenir sera réduit. Et la croissance forte risque de préserver son caractère épisodique et exceptionnel. Les performances pourraient en moyenne s'avérer meilleures que par le passé, mais certainement pas aussi extraordinaires que l'envisagent les optimistes. La grande question est de savoir si les pays avancés en détresse seront capables de faire plus de place aux pays en développement à la croissance plus rapide, et dont les performances dépendront de leur capacité dans les industries manufacturières et de services, secteurs où les pays riches restent dominants. Les effets sur l'emploi dans les pays avancés seraient problématiques, surtout compte tenu de l'actuelle pénurie d'emplois à hauts revenus. De considérables conflits sociaux pourraient devenir inévitables, ce qui fragiliserait le soutien politique en faveur de l'ouverture économique. À terme, il est inévitable que l'économie globale connaisse une plus grande convergence. Mais une inversion majeure dans le cours des destins des pays riches et pauvres ne semble ni probable économiquement ni plausible politiquement.

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