Cruel télescopage

Par ewalther@latribune.fr  |   |  301  mots
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Par Eric Walther, directeur adjoint de la rédaction de La Tribune.

Ce ne sont pas des émeutes raciales comme celles de 1985 à Brixton, le quartier jamaïcain de Londres. Pas davantage des manifestations porteuses de revendications concrètes, comme on l'avait vu en décembre dernier dans la capitale britannique, lorsque les étudiants s'étaient massivement mobilisés contre la hausse des droits d'inscription à l'université. Rien à voir enfin avec le mouvement des Indignés et leur sympathique plaidoyer pour un renouvellement démocratique qui a agité l'Espagne au printemps.

Non, les scènes de guérilla urbaine qui tétanisent les Anglais depuis trois jours ne sont rien d'autre que l'oeuvre de jeunes des quartiers, pour reprendre une expression française, qui à l'occasion d'une bavure policière encore à confirmer, ont littéralement explosé : vandalisme, griserie de l'impunité (provisoire) grâce à l'effet de masse, expression brutale, vertigineuse d'une haine pure... Sans le moindre message politique verbalisé. Et pourtant, ce déferlement de violence pose peu ou prou la même question : pourquoi le monde d'aujourd'hui n'a rien d'autre à proposer que des plans d'austérité aux uns et de simples raccommodages d'un tissu urbain en décomposition aux autres ? Il n'est certes plus question de faire rêver, ne rêvons pas, mais au moins d'essayer de renouveler un contrat social malmené.

La prudence en ces circonstances interdit les rapprochements hasardeux. Mais tout de même. L'histoire peut se faire cruellement perspicace lorsqu'elle invite à se télescoper durant un même week-end, ces pillages de temples de la consommation et l'affolement de la classe politique européenne désarmée face empétrée dans une crise à son acmé. Le tout dans la capitale de la finance, celle où depuis plusieurs années s'étale une richesse d'une folle arrogance, celle où la vidéosurveillance omnipotente était censée décourager les tentations délictueuses...