La rumeur est consubstantielle au marché

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Par Eric Benhamou, éditorialiste à La Tribune.

"On ne fera jamais taire une rumeur et si elle n'existait pas, il faudrait l'inventer", se plaisent à répéter les traders. De fait, la rumeur a toujours fait partie du marché : elle est consubstantielle au marché. Pourtant, elle est une nouvelle fois la cible de toutes les critiques après le mercredi noir de la Société Générale et des banques européennes. La banque française a saisi l'Autorité des marchés financiers (AMF) pour enquête "sur toutes les rumeurs de marché totalement infondées" et l'AMF rappelle que la diffusion "d'informations infondées" est susceptible de sanction.

Par nature, il est extrêmement difficile de combattre la rumeur, même de la définir. Comment, en effet, distinguer une rumeur d'une opinion ? Et pour beaucoup de professionnels, la rumeur, infondée ou non, reste une catégorie d'information spécifique que chacun doit apprécier selon ses critères. La rumeur sur une prochaine OPA permet ainsi d'alerter le marché sur une sous-valorisation d'une société.

A ce jeu, le secteur bancaire est particulièrement exposé et les périodes de crises sont également propices aux rumeurs lorsque les investisseurs déboussolés ne savent plus très bien où placer leurs liquidités. Mais ce qui doit inquiéter les régulateurs n'est pas la rumeur elle-même, mais bien l'impact de plus en plus grand qu'elle a sur un cours de Bourse. Qu'un article d'un quotidien britannique, peu connu pour son sérieux, ait pu faire fondre d'un quart la capitalisation d'une grande banque, voilà le danger. Ce qui est condamnable, c'est l'origine de la rumeur et son objectif, lorsqu'elle vise à créer artificiellement de la volatilité. Et c'est bien l'évolution de la structure du marché, où les "hedge funds" et les produits dérivés ont désormais un poids considérable, qui rend la rumeur aussi dangereuse.