L'avenir du rail passe par l'axe franco-allemand

Par Jacques Auxiette, président du conseil régional des Pays de la Loire, président de la commission Infrastructures et Transports de l'Association des régions de France
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Le lancement par le gouvernement d'assises nationales du rail est bien tardif mais il aura au moins le mérite, si tel est l'objectif, d'engager enfin un débat public essentiel pour l'avenir du ferroviaire en France. Cette séquence démocratique obligera surtout décideurs du ferroviaire à dessiner le prochain visage d'un secteur qui navigue à vue depuis trop longtemps, dépourvu d'une stratégie globale et sans moyens financiers dédiés. Les Régions françaises, actrices majeures du ferroviaire, s'inscriront donc dans cet exercice en organisant des états généraux du transport régional le 28 septembre prochain à Nantes.

Le débat s'est focalisé sur l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire régional, masquant deux questions prioritaires : la structuration et le financement du système ferré. Les Régions, elles, ont marqué des points, fragilisant au passage les tenants de la libéralisation. Elles ont formulé des propositions concrètes pour développer un système ferroviaire public qui n'a pas achevé sa mue et qui est aujourd'hui lesté par une dette historique insoluble - dette qui constitue de fait une dette d'État.

Aussi, il importe de redonner une visibilité à un secteur d'activité stratégique, à des milliers de personnels, à une filière industrielle. Le ferroviaire, populaire aux XIXe et XXe siècles, le sera demain à la seule condition de lui offrir un destin en l'adossant à un projet politique fort.

La régionalisation du transport de voyageurs, qui n'est pas une libéralisation du réseau, constitue une perspective souhaitable permettant de confier à une autorité politique régionale, enfin dotée de leviers financiers significatifs, le rôle de véritable chef de file. Rappelons par ailleurs que les Régions ont sauvé depuis quinze ans le chemin de fer de proximité... Mais la régionalisation n'est qu'un volet du renouveau tant attendu de la politique ferroviaire. Les Régions ne pourront à elles seules dessiner le destin du rail français.

Car il y a aussi un avenir européen pour ce secteur, avenir qui ne se conçoit pas dans une approche strictement libérale. Il faut pour cela relancer des coopérations, ce qui d'ailleurs s'esquissait entre la SNCF et la Deutsche Bahn avant l'émergence des débats sur la libéralisation. Dépassons les guerres de positions, la seule conquête de parts de marché et remettons sur le métier des synergies franco-allemandes qui répondront tout aussi bien aux enjeux de rentabilité et de leadership économique recherchés. Cette démarche parachèverait symboliquement la réconciliation entre nos deux pays engagée après-guerre à travers une formidable parabole autour du train.

Définitivement, la dimension européenne ne doit pas et ne peut pas se résumer à l'Europe des procédures et aux solutions trompeuses de la libéralisation du marché ferroviaire. L'Europe est puissante quand elle permet l'intelligence collective, quand elle porte des projets qui dépassent les frontières. Aux interprétations simplistes des textes européens, préférons les coopérations renforcées entre nos fleurons. Certains évoquent un « Airbus européen du ferroviaire ». Nous pourrions aussi envisager, plus modestement, via un axe franco-allemand, de donner une impulsion nouvelle à la construction d'un réseau transeuropéen de transports qui se heurte aujourd'hui à la frontière tissée par les normes techniques nationales de sécurité, que ce soit au niveau du réseau ferré ou du matériel roulant.

Cela ne se fera ni demain, ni dans un an, mais il faut jeter dès aujourd'hui les bases de cette ambition commune. Les crises structurelles et d'identité du ferroviaire doivent nous conduire à prendre de la hauteur, à conclure que la réforme du système français engagée en 1996 n'a pas abouti, qu'elle a créé des situations ubuesques et contribué à une opacité financière des comptes de la SNCF. Une nouvelle phase de décentralisation du système, combinée à la constitution d'un noyau dur franco-allemand, peut nous aider à sortir de l'impasse.

Oui, nos deux systèmes ferroviaires ont leur histoire et leur culture, mais les colosses ont aussi des pieds d'argile... Dans un contexte où la mobilité des biens et des personnes, la sécurité du réseau, l'attractivité des territoires, les exigences environnementales sont des priorités pour les puissances publiques, les responsables politiques, syndicaux et industriels français et allemands doivent faire cause commune pour permettre au ferroviaire de rebondir. Des signes doivent aujourd'hui être donnés, les idées, comme nos trains, doivent circuler. Alors soyons audacieux et inventifs, l'Europe du rail est aussi une autre belle aventure !

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