Prime d'intéressement : comment mesurer "l'efficacité" d'un fonctionnaire ?

Le décret sur la prime d'intéressement pour les fonctionnaires, publié au JO la semaine dernière, est passé relativement inaperçu. Ressemblera-t-elle à celle pratiquée en entreprise ? Comparaison.
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Passé presque inaperçu, un décret du 1er septembre 2011, instaure une "prime d?intéressement à la performance collective" pour les fonctionnaires. Dans le communiqué de presse, François Sauvadet, ministre de la Fonction publique, précise : "l?intéressement est un outil de management qui permet de fédérer les équipes autour d?objectifs de performance communs, contribuant ainsi à l?amélioration de la qualité du service rendu aux usagers et à la maîtrise des coûts".

Le principe est louable car il semble normal de s?intéresser à l?efficacité des services rendus au public et d?intéresser ceux qui en sont à l?origine : les fonctionnaires. Comme le rappelle le ministre, "mise en place par le général de Gaulle au nom d?un plus juste partage des fruits de la croissance entre travail et capital, l?idée même d?intéressement collectif franchit donc enfin, aujourd?hui même, la porte des administrations publiques". On peut effectivement se demander pourquoi il a fallu attendre plus de 50 ans pour développer dans la Fonction Publique un système efficace dont bénéficient de nombreux salariés dans les entreprises.

Mais l?intéressement des fonctionnaires sera-t-il semblable à celui en vigueur dans les entreprises ?

L?intéressement doit être collectif, aléatoire et résulte d'une formule de calcul liée aux résultats ou aux performances, impose le code du travail aux entreprises.

L?intéressement des fonctionnaires sera-t-il collectif ? Un décret précise que "la prime d?intéressement est attribuée à l?ensemble des agents". On pourrait donc penser qu?on se situe dans la même logique que celle instaurée pour les entreprises. Mais il semble que ce ne soit pas tout à fait le cas. En effet, "en cas d?insuffisance caractérisée dans la manière de servir, un agent peut être exclu du bénéfice de la prime d?intéressement". Une entreprise ne peut donc exclure aucun salarié du bénéfice de l?intéressement mais ce sera, en revanche, possible pour l?administration. On peut légitimement s?interroger sur le bien fondé d?une telle restriction et surtout sur les modalités de sa mise en ?uvre, qui pourraient conduire à certaines dérives. A moins que l?objectif réel, mais non avoué, du législateur ne soit d?instaurer un système de primes individualisé?

En entreprise, un accord d?intéressement est toujours négocié entre l?employeur et les représentants des salariés, ou quand ce n?est pas possible, soumis à l?approbation des salariés interrogés pas référendum (à la majorité des deux tiers). Pour l?intéressement des fonctionnaires, la circulaire "recommande de privilégier la concertation avec les représentants du personnel". On peut souhaiter que cette concertation porte sur le choix des critères et leur mesure. Elle ne portera pas, en revanche sur les modalités de répartition de la prime d?intéressement sur les agents puisque la prime sera forfaitaire et identique pour tous les agents d?un même service? dont la liste sera déterminée par arrêté ministériel.

L?intéressement des fonctionnaires sera-t-il aléatoire ? C?est-à-dire éventuellement nul si les objectifs ne sont pas atteints. En entreprise, le déclanchement de l?intéressement est souvent lié à l?existence préalable d?un profit. Il parait difficile d?appliquer cette règle aux services de l?Etat.

Pour autant, le décret propose, à raison, la piste des "économies réalisées". Dans un contexte de réduction des dépenses de l?Etat, l?outil que constitue l?intéressement peut avoir une efficacité en impliquant d?avantage l?ensemble des agents sur cet objectif économique. Serait-t-il donc possible de raisonner sur des notions telles que? le respect des budgets ? On peut s?interroger sur la capacité des systèmes d?information comptables des services de l?état à instaurer ce type de suivi de façon efficace et rapide comme c?est le cas en entreprise. On peut aussi se demander si les agents d?une administration auront une réelle capacité à infléchir des dépenses dont ils n?ont souvent pas la maîtrise. L?alea sera toutefois relatif puisque « le montant maximal (de la prime)? est fixé par un arrêté !

Comme en entreprise, on pourrait s?intéresser à "l?autofinancement" de l?accord d?intéressement, en partant du principe que la prime payée aux salariés devrait être largement compensée par les économies qu?ils ont contribué à réaliser. Livrons nous à un petit calcul : Une prime comprise entre 100 et 500 euros versée aux 5,3 millions d?agents de la fonction publique représenterait un budget annuel compris entre 530 millions et 2,6 milliards d?euros. Il serait utile que l?intéressement des fonctionnaires soit "vendu" comme tel : pour un meilleur service au moindre coût. En effet il paraitrait inconcevable aux contribuables de financer par l?impôt une prime d?intéressement si celle-ci n?a pas, a minima, sa contrepartie d?économie sur le budget de l?état.

A noter : en entreprise, le caractère collectif et aléatoire est une des conditions d?exonération de charges sociales des primes d?intéressement pour le salarié et son employeur. L?intéressement est également soumis au forfait social pour l?employeur (6% et bientôt 8%, comme le prévoit le plan de mesure de réduction des déficits annoncés le 24 août). Aucune précision n?est apportée sur ces sujets pour l?intéressement des fonctionnaires. A quand le Plan d?épargne entreprise (PEE) de l?administration publique permettant aux fonctionnaires de défiscaliser leurs primes d?intéressement ? Tout chiffrage d?impact de la mesure devrait également prendre en compte les conséquences en matière de traitement social et fiscal.

Au-delà des critères économiques, des critères de qualité de service sont préconisés. C?est dans ce domaine qu?il est sans doute possible d?instaurer, au fil des années, une vraie politique de "service aux usagers". La difficulté résidera, sans doute, dans la détermination des critères, suffisamment proches du "terrain" pour être appréhendables par les agents, suffisamment précis pour être mesurables, suffisamment bien choisis et adaptés pour ne pas générer d?effets pervers.

Un beau chantier attend donc les différents ministères dans les prochains mois : la détermination et la mesure des critères d?intéressement. C?est un exercice difficile mais nécessaire et sans aucun doute utile. Son résultat déterminera l?efficacité des formules retenues.

En guise de conclusion, voici une petite recette que nous utilisons souvent en entreprise et qui pourrait servir de guide à ceux et celles qui seront chargés de la mise en ?uvre de ces mesures, à qui nous pouvons souhaiter bon courage !

Le "SESAME" d?un intéressement efficace : Simple (peu de critères), dénué d?Effets pervers, porteur de Sens (et motivant pour les collaborateurs) et Adapté (aux métiers), Mesurable (c?est le plus difficile) et Expliqué (aux agents, au départ et dans la durée).

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Commentaires 16
à écrit le 18/11/2013 à 10:44
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La bonne marche d'une organisation tient à une bonne communication entre agent et chef, dans le cas contraire, on vas devoir assister à une catastrophe sociale; et le plus bel exemple pour les agents émane de la hiérarchie.

à écrit le 07/09/2011 à 11:51
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BONNE NOUVELLE , comme je suis hospitalier et que les cadres de direction perçoivent une prime suivant la catégorie d' SEPS , un DG de CHU percevra plus qu ' un directeur de CHG, un fixe plus une part variable suivant la cote d' amour de l'ARS et l...

à écrit le 07/09/2011 à 6:32
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Votre analyse vise très clairement à mettre des batons dans les rouages de la mise en application de cette mesure, que vous savez honnête et efficace, mais qui justement vous gêne, car encore une fois, elle émane des idées de notre gouvernement !.

à écrit le 06/09/2011 à 9:11
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Réponse : Comme dans le privé !!

à écrit le 05/09/2011 à 20:13
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Mesurer l'efficacité est déjà une bonne chose. Mais s'ils sont inutiles, qu'ils soient efficaces ou non, cela reste du gaspillage.

à écrit le 05/09/2011 à 18:38
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Les primes seront attribuées à la française, c'est-à-dire à ceux qui amèneront la bouteille de Ricard et feront des ronds de jambe au chef :-) C'est le système qui ne fonctionne pas, pas les fonctionnaires qui balaieraient avec le manche si on le leu...

à écrit le 05/09/2011 à 16:27
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changer le statut des fonctionnaires ...et tout ira bien... EGALITE .....

à écrit le 05/09/2011 à 13:41
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Pour ne pas faire comme au Canada, licencier sèchement!, il faudra "raboter" d'au moins 30% , les salaires de plus de 1500 euros/mensuels (impôts pour emploi stable ?) pour résorber la dette sinon continuer à payer des gens avec de la dette!

à écrit le 05/09/2011 à 13:30
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Attention,il ne faut pas stigmatiser les fonctionnaires.C'est le système qui n'est pas bon.

le 05/09/2011 à 15:01
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De part le nombre, de fonctionnaires, la fonction publique est devenue l'état dans l'état!exemple , le mammouth Education nationale 12 000 000 de scolaires et 1 000 000 d'enseignants, soit 1 enst. pour 12 enfants, mais non! dans les faits le résultat...

le 05/09/2011 à 16:32
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Vos chiffre sont aberrant de malhonnêteté et de fausseté. L?Éducation Nationale c'est 826 000 agents dont 78 % sont des enseignants et le reste des administratifs, des infirmières scolaires, des conseilles d'orientation et psychologies. Enfin un enca...

le 05/09/2011 à 19:39
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@ strormy: bon, y a qu'à envoyer tous les élèves planter et ramasser des patates. Un kiapo avec fusil pour 300 et on fera enfin des économies :-)

le 05/09/2011 à 20:17
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L'enseignement, c'est 20% du budget. 13% des enseignants n'ont quasi jamais vu un élève. L'école publique coute 50% plus cher que le privé. Lors des réformes en Nouvelle Zélande, ils avaient constaté que 70% de l'argent public de l'enseignement parta...

à écrit le 05/09/2011 à 12:51
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Et que penser de ne remplacer qu'un fonctionnaire sur deux qui part en retraite ? Ce jour, j'ai 2 fonctionnaires qui nous coûtent 200, je les mets à la retraite, il nous coûtent appxt 180 et j'emploie un fonctionnaire pour remplacer !! le coût final ...

le 05/09/2011 à 20:26
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En plus, ils ne peuvent plus partir a la retraite ; cout final = cout initial. Et un chomeur de plus.

à écrit le 05/09/2011 à 12:48
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comme à chaque fois les économies ne seront pas réalisées, mais..... les primes seront payées!!!!!!

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