Economie américaine : un chiffre résume tout

La consommation des Américains a plongé pendant la récession, ce qui n'étonne pas outre mesure. Mais elle n'a pas vraiment repris, une fois la croissance repartie, ce qui ne s'était jamais vu depuis 1945. Cette faiblesse, liée au processus de désendettement des ménages, a des conséquences mondiales.
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Le chiffre, c'est 0,2%. C'est la croissance moyenne annuelle des dépenses des consommateurs américains au cours des quatorze derniers trimestres. Jamais auparavant, depuis la Seconde Guerre mondiale, les consommateurs américains n'ont été si affaiblis. Ce chiffre résume à lui seul une grande partie de ce qui va mal aujourd'hui aux Etats-Unis - et dans l'économie mondiale.

Il y a deux phases distinctes à cette période de faiblesse sans précédent du consommateur américain. Entre la fin 2008 et la mi-2009, la récession a provoqué un plongeon de la consommation de 2,2% en moyenne. Puis, de l'été 2009 à l'hiver 2011, une hausse de 2,1% par trimestre a été enregistrée. C'est la reprise de la consommation la plus anémique jamais enregistrée, selon les derniers chiffres révisés.

Les raisons de ce marasme ? En exploitant une bulle de crédit qui leur a permis d'emprunter, s'ajoutant à la bulle immobilière sans précédent, les consommateurs américains ont dépensé bien au-dessus de leurs moyens, pendant de nombreuses années. Lorsque les deux bulles ont éclaté, les ménages surendettés n'ont pas eu d'autre choix que de réduire leur consommation et de reconstruire leurs bilans endommagés, en remboursant leur dette et en reconstituant leur épargne à taux faible.

Pourtant, sur ces deux points, la réparation du bilan ne fait que commencer. Alors que la dette des ménages a été estimée à 115% du revenu personnel disponible au début de 2011 (contre 130% atteints en 2007), elle reste bien au-delà de la moyenne de 75% pour la période 1970-2000. Et tandis que le taux d'épargne a atteint 5% du revenu disponible au premier semestre 2011, il est loin de la norme de 8% qui a prévalu au cours des trente dernières années du XXème siècle.

Avec le repli et le bilan de réparation à leurs premiers stades, le comportement de zombie des consommateurs américains devrait persister.

Un tel résultat aurait trois répercussions profondes sur les perspectives économiques. Premièrement, puisque la demande des consommateurs représente encore 71% du PIB réel, un déficit prolongé de la consommation représente une contrainte majeure pour la croissance américaine. Alors que les décideurs égarés de Washington aimeraient vraiment que les consommateurs retournent à leurs vieilles habitudes à risques et recommencent à dépenser, les ménages américains les plus endettés sont maintenant mieux informés. L'artillerie lourde des mesures de relance monétaire et budgétaire est gaspillée dans des tentatives de court-circuit de la réparation du bilan.

Deuxièmement, la faiblesse persistante de la consommation et de la croissance va entraîner des déficits budgétaires significativement plus élevés. En effet, on peut estimer qu'une perte de croissance de 1% sur dix ans provoque environ 3.000 milliards de dollars de déficit supplémentaire. Inutile de dire qu'un tel résultat causerait de graves problèmes à l'Amérique dans son débat déjà litigieux sur le déficit et la dette.

Enfin, aucune autre économie n'est capable de remplir le vide laissé par un déficit prolongé de la consommation américaine. L'Europe et le Japon ne sont pas en mesure de prendre le relais, ni les consommateurs des grandes économies en développement (Chine). Ainsi la faiblesse persistante de la consommation américaine pèsera sur les exportations des économies en développement. La bonne nouvelle est que cela les forcera à adopter des stratégies de rééquilibrage de dettes à long terme, visant à stimuler la demande de consommation intérieure.

Que peut-on faire ? Les mesures prises au plus fort de la crise - stimuli massifs de relance budgétaire et monétaire - ont eu le mérite d'éviter la chute libre. Mais elles n'ont pas permis d'enclencher une reprise. Cela ne devrait guère surprendre à l'ère de la réparation du bilan.

Au lieu de cela, les Etats-Unis ont besoin de politiques répondant aux pressions qui pèsent sur les consommateurs américains. Voici quelques possibilités : une annulation de la dette pour accélérer le processus de désendettement ; des politiques d'épargne créatives qui rétablissent la sécurité financière des Américains victimes de la crise ; et, bien entendu, les emplois et les revenus que ces mesures génèrent. L'économie des Etats-Unis, ainsi que l'économie mondiale ne peuvent pas revenir sur leurs pas sans le consommateur américain. Il est temps de regarder au-delà de l'idéologie - à gauche comme à droite - et de structurer le débat politique en gardant à l'esprit cette considération clé.

 

© Project Syndicate 1995-2011

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