"Il faut en finir avec le capitalisme-casino"

Par Propos recueillis par Sylvain Rolland  |   |  632  mots
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Alors que des plans d'austérité se mettent en place partout en Europe et que la crise de la dette n'en finit plus d'inquiéter les marchés et les gouvernements européens, les syndicats ont fort à faire. Pour Bernadette Ségol, la secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats (CES), la crise est l'occasion de redéfinir une Europe plus juste et solidaire.

Que pensez-vous de l'austérité mise en place partout en Europe ?

Il faut revenir à l'équilibre budgétaire dans la zone euro mais les moyens adoptés ne sont pas les bons. Pour rééquilibrer les comptes des pays endettés, il faut de la croissance. Or, les plans d'austérité tels qu'ils sont mis en place attaquent les plus vulnérables, détruisent le tissu social et pénalisent la croissance, à l'image de la Grèce ou de l'Espagne. Pour sortir de la crise, l'austérité systématique n'est pas la solution, il faut mettre en place des mesures de relance pour, par exemple, lutter contre le chômage des jeunes qui atteint 46% en Espagne et au moins 20% à 25% partout ailleurs. Il faut aussi que les pays examinent de nouvelles manières d'accroître leurs revenus avec davantage de solidarité et de justice sociale, notamment en relançant l'investissement ou en luttant contre les fraudes et les évasions fiscales. Mais c'est également un combat à l'échelle européenne.

Justement, vous appelez à « changer de cap » au niveau européen. Que préconisez-vous ?

L'Europe ne doit plus hésiter. Ses dirigeants doivent franchir un cap vers davantage de solidarité et de fédéralisme avant que l'Europe ou l'euro se cassent la figure. Nous avons un besoin urgent d'un leadership européen, d'une vraie gouvernance économique et de décisions politiques courageuses. L'instauration des obligations européennes et d'une taxe sur les transactions financières est indispensable, tout comme la transparence des banques, voire la création d'une banque européenne de la dette. Il faut en finir avec le capitalisme-casino, arrêter cette spéculation irrationnelle sur les marchés qui sape l'économie européenne. Nous sommes conscients de l'ampleur des décisions à prendre et de ce que cela implique au niveau institutionnel. Mais les initiatives à court terme n'ont pas suffi, il est temps de voir plus grand car on ne peut plus laisser l'emploi se dégrader.

Comment le syndicalisme européen peut-il tirer parti de la crise ?

La crise renforce la conscience des syndicats européens dans la nécessité d'une action collective. Le fossé est tellement grand entre les populations et les décideurs que nous avons besoin que le syndicalisme, qui est un mouvement organisé, fasse l'intermédiaire et veille à ce que la gouvernance économique européenne que nous souhaitons ne se fasse pas à l'encontre du modèle social, des services publics et de la protection sociale. Les manifestations, comme celle qui aura lieu le 17 septembre à Wroclaw en Pologne, sont un moyen de nous faire entendre. Mais nous avons aussi des moyens d'action via nos contacts avec les parlementaires nationaux ou européens, et certains politiques nous écoutent davantage depuis la crise. Nous nous réjouissons que les gouvernements s'interrogent sur le fait que l'austérité n'est pas forcément la seule réponse. Cela fait des années que nous le disons. Pour moi, c'est une victoire syndicale.

Pourquoi organiser votre euro-manifestation du 17 septembre en Pologne ?

Le premier objectif est de rappeler aux leaders politiques européens, qui se réunissent à l'occasion de l'Ecofin, qu'ils doivent faire le choix de la solidarité et non plus laisser les commandes aux marchés financiers et aux agences de notation. Le deuxième objectif est d'attirer les regards sur la situation sociale dans certains pays d'Europe de l'Est, comme la Hongrie, la Roumanie ou la République Tchèque. En Hongrie, le Parlement veut modifier le code du travail, ce qui entraînerait la diminution drastique de la protection syndicale et la capacité des syndicats à négocier. Nous avons alerté la Commission car il s'agit d'une violation des droits fondamentaux européens, et nous ne pouvons pas tolérer que l'Europe soutienne ce genre d'initiatives qui vise à tuer le syndicalisme.