Les marchés votent la nationalisation des banques

Par Eric Benhamou  |   |  506  mots
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Par Eric Benhamou, éditorialiste à La Tribune.

Trois ans après la faillite de Lehman Brothers, le spectre d'une déroute bancaire menace à nouveau. Et cette fois-ci, la réplique du séisme de 2008 se trouve au coeur de l'Europe, particulièrement en France. Certains, comme le FMI ou l'OCDE, proposent depuis des semaines de recapitaliser certaines banques en urgence, sans préciser comment ou lesquelles. C'est également la conviction des marchés. Elle n'est pas si irrationnelle que certains veulent bien le dire. Dans cette zone de danger dans laquelle se trouve l'Europe, la valeur d'une banque devient vite très relative et tend vers zéro.

Car le métier d'une banque est de financer en permanence des actifs grâce à des fonds propres, des dépôts, des créanciers et surtout grâce à la confiance qu'elle inspire. C'est l'ensemble de ces piliers qui sont aujourd'hui remis en cause : pas de confiance, pas de déposants, pas de prêteurs et des engagements qui restent au bilan. Et cette crise de confiance trouve son origine dans la taille devenue démesurée des bilans des banques européennes, et en particulier des banques françaises, rapportée aux fonds propres. Autrement dit, l'effet de levier est bien trop élevé, comme il le fut chez les banques américaines en 2007. L'heure est donc à la réduction des bilans - c'est le signal délivré aux marchés par la Société Générale -, à la fermeture de certains métiers, à la baisse de la rentabilité. Cela ne sera pas sans doute pas suffisant, du moins à court terme. Reste donc la recapitalisation, qui revient en boucle dans toutes les salles de marché. Mais à l'heure où les capitalisations boursières ont fondu comme neige au soleil, il est difficile d'imaginer les banques brader de plein gré leur capital à 30 ou 40% de la valeur de leur actif net. Et les émissions de titres "hybrides" ne sont plus une alternative car elles sont désormais très mal vues par les régulateurs, pratiquement exclues du champ prudentiel et regardées avec méfiance par les investisseurs.

Des économistes, des financiers, comme le Britannique Howard Davies et des politiques, de droit comme de gauche, proposent donc la nationalisation pour sortir de l'ornière. Le scénario est jugé de plus en plus crédible par les marchés. Cette recapitalisation "forcée" présente, de fait, plusieurs avantages. Elle serait de nature à stopper la crise de confiance, à relever les notes de crédit des banques, à rassurer les investisseurs créanciers, à régler la question de la dette souveraine à la racine. Elle pourrait même apparaître comme une excellente affaire pour les trésors publics, avec une substantielle plus-value à la clé, à l'exemple des États-Unis. Et pour "vendre" aux opinions, les Etats pourraient même en profiter pour discipliner (enfin) la finance. La décision est difficile à prendre car elle signe un aveu d'échec du premier plan de sauvetage des banques. Mais elle risque de s'imposer par la force, par la force des marchés.