La peur bleue de la voiture verte

Par ewalther@latribune.fr  |   |  345  mots
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Par Eric Walther, directeur adjoint de la rédaction de La Tribune.

"Les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent." Jamais avare d'un bon mot, toujours frappé au coin de son bon sens un peu brutal, Charles Pasqua aurait pu appliquer cette triste vérité politique aux prévisions économiques. Le prestigieux BCG a donc tout loisir d'annoncer sans trop s'exposer que la part de marché de la voiture électrique sera de 4,5 ou 6%, peut-être même 10% dans certains pays d'ici à 2020. D'autant que de telles hypothèses peuvent paraître anecdotiques ou à tout le moins décevantes. C'est pourtant énorme. Même si ces chiffres ne sont pas atteints. Eh oui. En politique comme en économie, nous avons la mémoire courte.

Qui aurait misé un euro sur un tel scénario il n'y a ne serait-ce que dix ans de cela ? Quand chez les constructeurs, la simple évocation de ces voitures sans essence provoquait des sourires entendus, pour ne pas dire du mépris : jamais les conducteurs ne l'accepteront, les obstacles technologiques sont insurmontables... Et puis... et puis la voiture propre a fini par tracer sa route, la Prius, l'hybride de Toyota, prouvant par son succès commercial que le paradigme automobile n'était pas figé pour l'éternité.

Car c'est bien de cela dont il s'agit : un changement de modèle complet pour une industrie d'une extrême complexité en ce qu'elle convoque des technologies en perpétuelle mutation mais participe aussi de l'évolution de modes de consommation, voire de choix de société. On ne connaît pas encore le rythme de cette mutation, mais elle est acquise. Comme dans le secteur de l'énergie qui connaît un choc analogue (vous n'auriez pas misé non plus un euro sur la plantation d'éoliennes offshore dans la Manche), les entreprises françaises ont tout intérêt à se défaire de leurs vieilles certitudes. Faute de quoi, elles se feront maltraiter par leurs homologues occidentales qui acceptent le défi - Siemens en est un bon exemple - ou par les nouveaux venus des pays émergents qui, eux, ne portent aucun héritage.