Nucléaire : halte aux décisions en catimini

Par Nicolas Imbert  |   |  666  mots
Copyright Reuters
Par Nicolas Imbert, directeur de Green Cross France et Territoires.

La semaine dernière, nous apprenions la commande par EDF de 44 générateurs de vapeur. Le renouvellement de cet équipement de haute technologie est tout sauf anodin. Il constitue la première étape de la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires pour les trente prochaines années, et engage l'opérateur sur plus de 1 milliard d'euros. Cette semaine, nous apprenons que l'enquête publique relative à la centrale de Penly est reportée à début 2012.

Ces événements nous incitent à la plus grande vigilance. De très nombreux acteurs (associations, élus, entreprises, ONG) se sont inscrits en faveur d'un grand débat sur la stratégie énergétique, intégrant la question du renouvellement du parc nucléaire. La perspective de ce débat rencontre une forte mobilisation citoyenne. Il s'agit de choisir, en toute transparence, la meilleure stratégie pour le pays.

Celui-ci reste marqué par une approche technicienne, ainsi qu'une compréhension très récente, quasi adolescente, du partage des rôles entre la puissance organisatrice, l'autorité de sûreté et les exploitants. Pourtant, dans un contexte post-Fukushima, le débat sur notre stratégie énergétique nécessite une forte maturité de chacun des acteurs, pour décrire au consommateur citoyen les choix possibles, leurs avantages et inconvénients, et lui permettre de se forger en toute indépendance une opinion. Avant de la mettre en oeuvre, par ses choix électoraux, ou de consommateur.

Nous avons la désagréable impression que les annonces récentes, en particulier le renouvellement des générateurs de vapeur, laissent supposer une possible volonté de passer outre le débat public en préemptant le renouvellement et la mise à niveau des installations nucléaires pour les vingt à trente prochaines années. Le débat démocratique sur notre stratégie énergétique est nécessaire, et urgent.

Nous ne pouvons accepter qu'un investissement de renouvellement des générateurs de vapeur, qui représente 1,1 milliard d'euros et constitue un maillon essentiel d'une mise à niveau du parc nucléaire pour les vingt à trente prochaines années, puisse être considéré comme une décision strictement technique et effectué en catimini, de manière déconnectée du débat public sur la stratégie énergétique.

De manière similaire, de nombreux équipements, qu'il s'agisse du pilotage ou du fonctionnement des centrales nucléaires comme des réseaux, vont arriver à obsolescence fin 2011 ou courant 2012. Nous pensons qu'il convient de regarder globalement ces différents renouvellements, qui suggèrent des hypothèses de dimensionnement structurantes pour notre stratégie énergétique, et d'en faire un élément essentiel du débat.

Alors que la catastrophe de Fukushima a montré à la fois la nécessité d'améliorer rapidement la robustesse des installations nucléaires, notamment face à différents aléas combinés, et celle de séparer les rôles d'autorité de sûreté et d'exploitation, nous ne pouvons qu'exprimer notre étonnement quant à la décision de renouvellement des générateurs de vapeur sans consultation publique préalable. Des investissements comme celui-ci, réputés techniques, qu'il s'agisse de l'exploitation des centrales ou des réseaux, risquent de préempter lourdement le débat public, et d'obérer d'autant la capacité de notre pays à enfin décider collectivement et prendre en main sa stratégie énergétique.

Il est désormais nécessaire, et opportun en cette période préélectorale, de réunir l'ensemble des acteurs économiques, publics et de la société civile pour un débat sur la stratégie énergétique, déjà prévu par le Grenelle mais toujours reporté depuis, d'en définir les modalités et de s'assurer qu'en l'attente aucune décision, publique ou privée, ne vide le débat de sa substance ou n'en limite la portée. Plus que jamais, le temps est à la vigilance. Il faut pouvoir définir collectivement le futur énergétique que nous souhaitons, en toute transparence.