"Arnaud Montebourg a mis l'accent sur des sujets qui préoccupent les Français"

L'ancien ministre de l'Economie et des finances estime que sur plusieurs points, comme le rôle des banques, ou certains effets néfastes de la mondialisation, François Hollande partage plusieurs des préoccupations d'Arnaud Montebourg.
REA

Les idées défendues par François Hollande peuvent elles accueillir le concept de "démondialisation" développé par Arnaud Montebourg ?

Par définition, le dialogue est nécessaire entre l'ensemble des candidats à une primaire. Il n'y a pas d'adversaires, tous sont membres du PS, tous ont voté le projet socialiste. Mais il y a une condition posée par François Hollande : la cohérence de son propos et de sa ligne politique, qui a remporté 40% des voix, ne peut pas être mise en cause. Les Français ont besoin de la force qui s'attache à la cohérence d'un discours, à une personnalité, à un parcours. Celui qui, entre deux tours dirait, je change tout, sera balayé car on dira de lui qu'il n'a pas de caractère. Mais on peut enrichir un discours. Arnaud Montebourg a mis l'accent sur des points qui préoccupent les Français. Sur la mondialisation, François Hollande ne va pas devenir le chantre du protectionnisme, je le répète, ce serait mettre en cause la cohérence de son propos. En revanche, François Hollande doit réaffirmer avec force que les modalités de cette mondialisation font plus de dégâts qu'elles n'apportent d'éléments positifs, il doit redire, comme il le fait depuis le "Pacte de l'après crise" en 2009, qu'il faut une nouvelle régulation et il l'a dit avec force !

Et s'agissant des banques...

Là aussi, il ne faut pas attendre de François Hollande qu'il dise je vais nationaliser toutes les banques françaises. Parler de nationalisation parce qu'il y a un risque de pertes, ce serait accepter le pire des principes, plutôt porté par les étatistes de droite : la nationalisation des pertes alors qu'il y a eu la privatisation des profits. Cela dit, il y a de nouvelles règles à mettre en place concernant le système bancaire et financier. Par exemple, Arnaud Montebourg a justifié la mise sous tutelle des banques par le fait qu'il était anormal que ces banques spéculent avec les dépôts des clients. Et bien, François Hollande juge également ce fait scandaleux. Elles ont ainsi pris des risques qui oblige maintenant l'Etat à venir à leur secours. Il faut donc séparer banques de dépôts et banques d'affaires, ce qui est en cours, d'ailleurs, en Grande Bretagne et aux Etats-Unis. Vous voyez qu'au-delà des slogans, il y a des réalités partagées par tous. Et s'il y a une participation de l'Etat, au capital ou en garantie, il serait anormal que l'Etat ne soit pas présent dans les conseils d'administration des banques pour vérifier que ce qu'il apporte en capital va bien vers l'économie réelle.

François Hollande peut-il alors mener des réformes structurelles en faveur de la compétitivité et devenir le Gerhard Schröder français ?

C'est un peu réducteur. Contrairement à ce qu'affirment la droite et une partie du patronat, la perte de la compétitivité de la France ne provient pas du coût de la main d'?uvre. La différence avec l'Allemagne, par exemple, est minime. Le phénomène tient plutôt à trois facteurs. D'abord, la perte d'efficacité de notre système éducatif. Lorsque François Hollande propose de créer à nouveau des emplois dans l'éducation, il ne le fait pas pour créer plus de fonctionnaires, mais parce que, dans la dernière enquête de l'OCDE, notre pays est le seul qui a vu son système perdre de sa pertinence. C'est le seul dont le nombre de jeunes qui sortent du système sans qualification a augmenté, c'est le seul où la scolarisation en maternelles a diminué. Agir sur ce point, c'est agir sur la compétitivité en profondeur. L'effet n'est pas immédiat, mais il est nécessaire. Vient ensuite le nécessaire effort en faveur de l'innovation et de la recherche. La droite et le patronat défendent le crédit impôt recherche (CIR). Mais ce dernier profite surtout aux grandes entreprises, quand il serait plus efficace dans le tissu des PME. Recentrons-le sur ces entreprises pour lesquels le CIR est trop complexe et trop peu utilisé.  Enfin, il ne peut pas y avoir de compétitivité sans nouveau champ d'investissement et de croissance, par exemple la transition écologique ou énergétique. Voilà un domaine dans lequel il doit y avoir des priorités d'investissements, via par exemple le Fonds de soutien à l'investissement (FSI).

Ces investissements peuvent-ils se faire, quitte à creuser les dépenses ?

Non. Si nous voulons dégager des marges de man?uvre, il faut réduire le déficit. Car nous ne sommes dans les mains des marchés que parce que nous avons besoin de capitaux. Pour retrouver de la souveraineté, il faut réduire les déficits. La marge de man?uvre du budget de la France, c'est 3 à 5 milliards d'euros par an. Aujourd'hui, cette somme est avalée par les intérêts supplémentaires de la dette de l'année précédente. Je préfère payer des professeurs en plus que des intérêts en plus. C'est pourquoi il faut maîtriser les dépenses publiques. La question n'est pas seulement celle de notre engagement européen de limiter les déficits à 3% du PIB, il faut aller au-delà pour diminuer le service de la dette. C'est une nécessité de comptabilité d'épicier. Pour financer les investissements nécessaires à l'amélioration de notre compétitivité, il faut diminuer notre déficit. Comment ? Il faut prioriser les dépenses : si cela augmente ici, cela doit baisser là. Il faut aussi, du côté des recettes, réaliser la réforme fiscale, que François Hollande a été le premier à proposer. Aujourd'hui, ce projet fait partie du "paquet commun" entre les candidats. Se priver, comme le revendique la droite - sans appliquer du reste ce principe - des recettes pour consolider le budget est une erreur. Aucun pays au monde ne parviendra à réduire son déficit en agissant sur les seules dépenses, : il faut agir aussi sur les recettes et la croissance.

En tant qu'acteur de la naissance de l'euro, pensez-vous qu'il existait un vice de forme dans cette construction ?

Ce n'est pas ce que nous avons préconisé qui a échoué. C'est parce que ce que nous avions préconisé n'a pas été fait que le projet est en grande difficulté. Ce que nous voulions, c'était une monnaie unique avec un fédéralisme monétaire - il est aujourd'hui en place et il a joué à plein durant la crise. Mais nous voulions aussi que certains éléments de politiques économiques, comme l'harmonisation fiscale ou la capacité commune d'action budgétaire et donc d'endettement soient mis en oeuvre. Ce pilier n'a pas été élaboré et l'Europe est aujourd'hui dépendant pour la fondation du Fonds de stabilité européen d'un vote en Slovaquie, qui tient à un enjeu de politique locale respectable mais dérisoire au regarde des enjeux. Le fédéralisme monétaire ne peut fonctionner sans fédéralisme budgétaire, et nous l'avions dit à l'époque. Mais comme le fédéralisme monétaire a bien fonctionné, on a refusé de construire le fédéralisme budgétaire. La situation actuelle est le résultat de cette politique.

L'Allemagne refuse le fédéralisme budgétaire ?

Les Allemands bougent. Aujourd'hui, c'est Angela Merkel et une partie de la droite allemande qui freinent le mouvement. Mais les sociaux-démocrates, les Verts et une partie de la droite allemande ont parfaitement compris que l'intérêt de l'Allemagne résidait dans la mise en oeuvre d'un gouvernement économique européen. La situation actuelle démontre que nous avions raison.

Comment analysez-vous le budget 2012 ?

C'est un non budget, un budget fourre-tout, un budget pour rien. La droite n'arrive pas à donner d'autres sens à ce budget que celui de rassurer les marchés. Or, les marchés veulent une vision claire avec des voies et des moyens pour parvenir aux objectifs. On aurait pu, par exemple, imaginer que le gouvernement décide de faire participer les plus hauts revenus. L'an prochain, le nouveau barème de l'ISF sera appliqué et diminuera de 1,8 milliard d'euros les recettes de cet impôt. La taxe sur les plus riches permettra, elle, de dégager 470 millions d'euros. Le calcul est simple : les plus riches vont gagner 1,4 milliard d'euros. Est-ce raisonnable et moral dans le contexte actuel ? Notre message sera de dire, grâce à nos amendements que l'on peut récupérer de 10 à 15 milliards d'euros pour accélérer la diminution du déficit dès 2012 et stopper l'hémorragie de postes dans l'éducation nationale. Nous allons proposer en plus petit ce que nous ferons demain en plus grand et sur cinq ans.

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Commentaire 1
à écrit le 15/10/2011 à 8:44
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La plupart du temps, les politiciens mettent seulement le doigt sur les problèmes. Une fois qu'ils sont aux commandes, cela s'arrête là. Il faut se souvenir de la république irréprochable ou encore du pouvoir d'achat. A gauche c'est pareil.

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