Y a-t-il un flic pour sauver les marchés ?

Par Philippe Mabille, directeur adjoint de la rédaction de La Tribune.
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À l'origine de la crise, les marchés financiers ? Oui peut-être, et même sûrement. La preuve est assez faite que la finance sans contrôle est dangereuse, non seulement pour elle-même, mais aussi et surtout pour le monde, pour l'économie réelle. Celle qui ne vit pas au rythme trépidant de transactions toujours plus rapides, passant par des algorithmes incompréhensibles pour le commun des mortels, au travers de plates-formes de négociation fantômes et captives des banques. Celle qui utilise la finance pour son utilité : le financement à long terme de l'économie, qui équilibre l'épargne et l'investissement et rend ce service sans pareil de rendre possible le futur.

L'économie réelle est malade de sa finance et il est donc grand temps de soigner la finance. C'était l'ambition affichée lors des premiers G20, ceux de New York et de Londres, mais depuis, le soufflé est retombé. Dans l'euphorie de la reprise, "on" a eu le grand tort d'oublier de finir le travail. Pourtant, le risque "systémique" n'a pas disparu. Tous les Cassandre qui prédisaient une réplique, peut-être en plus grave, de la crise de 2008, ont eu raison. La crise des dettes souveraines européennes en est une. Face à la folie qui s'est emparée du marché des CDS, ces assurances contre le risque de défaut d'un Etat, il était nécessaire qu'un jour quelqu'un dise stop. Même la City de Londres a dû s'y résoudre.

Pour rétablir la confiance, il ne faut pas se tromper de message. Si la finance va mal, c'est parce que la politique ne fait pas bien son travail. Le principal responsable de la crise des subprimes, ce n'est pas le grand méchant marché qui a profité des failles de la réglementation sur le crédit immobilier ou la titrisation pour vendre des produits toxiques dans le monde entier. Non, le coupable, c'est le régulateur américain qui a laissé prospérer ces excès en laissant des pans entiers de la finance sans surveillance. C'est le gouvernement américain qui a incité les ménages les plus pauvres à se prendre au rêve du "tous propriétaires" sans empêcher des intermédiaires véreux de leur vendre des crédits dont chacun savait qu'ils ne pourront pas les rembourser. La responsabilité du régulateur est donc énorme et en la matière, la seule chose qui marche est la fermeté.

La peur du gendarme, la crainte de sanctions individuelles proportionnées, voilà le langage que comprennent les traders. Voilà des individus qui vivent dans un monde fermé, entourés d'une hiérarchie qui ne comprend pas ce qu'ils font et ne leur demande qu'une chose : rapporter le plus d'argent possible. Si l'on veut que les Etats, c'est-à-dire les contribuables, arrêtent de socialiser les pertes de la finance, il faut donc responsabiliser les individus. Imposer des règles de transparence, pour qu'aucun marché non organisé ne puisse échapper à la surveillance et de vraies sanctions en cas d'abus de marché.

C'est l'objet du paquet législatif présenté ce jeudi par Michel Barnier. Un code de la route, des limitations de vitesse et un permis à points, assorti de sanctions pénales pour les chauffards ou les alcooliques récidivistes : voilà le programme pour les futurs super-flics de la finance. La preuve que cela peut marcher sera facile à démontrer. Il suffira de voir le nombre de lobbyistes qui vont se précipiter à Bruxelles ou à Strasbourg pour tenter de convaincre les députés européens d'édulcorer les nouvelles règles.

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