Fraude fiscale : pour 14 milliards d'euros de plus...

Par Par Angel Gurria, secrétaire général de l'OCDE  |   |  698  mots
Copyright Reuters
Deux ans après son lancement, la lutte contre le secret bancaire fiscal porte ses fruits. Grâce aux travaux de l'OCDE, une vingtaine d'États ont pu collecter 14 milliards d'euros supplémentaires. L'analyse d'Angel Gurria, secrétaire général de l'OCDE

En ces périodes de graves turbulences économiques et financières, je serai porteur au sommet du G20 à Cannes d'une bonne nouvelle. La lutte contre le secret bancaire, relancée dans le scepticisme généralisé par le G20 à Londres, a porté ses fruits. Deux ans après, où en est-on ?

À l'heure où les États font face à une pression budgétaire sans précédent, ces progrès se traduisent par des recettes supplémentaires significatives. À ce jour, avant même que les accords de coopération ne soient tous en vigueur, j'estime à près de 14 milliards d'euros les recettes supplémentaires déjà collectées par une vingtaine d'États grâce à ces travaux - dont 1 milliard pour la France. Il ne s'agit là que d'un début et ce montant va s'accroître dans les mois et les années à venir. Aujourd'hui, il n'y a plus dans le monde d'endroit où les contribuables malhonnêtes puissent se cacher sans risque. Au-delà des chiffres, il s'agit d'un progrès majeur vers plus d'équité et donc d'un meilleur consentement à l'impôt.

Toutes les places financières du monde ont reconnu les principes de transparence et d'échange de renseignements tels que définis par l'OCDE. Au-delà de cet engagement de principe, c'est l'application pratique de ce standard qui est largement réalisée sous le contrôle des pairs - les 105 pays membres du Forum mondial.

La coopération fiscale en matière d'information bancaire ou sur les trusts, impossible pendant longtemps avec des principales places financières, est devenue réalité. Sept cents accords d'échange de renseignements ont été signés en quelques mois, là où moins de 50 avaient été conclus en dix ans ! Au-delà de la simple signature de ces conventions, le Forum vérifie qu'un pays a bien conclu des accords avec tout partenaire qui lui en fait la demande.

Le Forum mondial va plus loin encore et s'assure que ces engagements internationaux ne restent pas lettre morte en vérifiant que l'information sur les propriétaires des sociétés, sur leurs comptes, existent bien et sont accessibles en vue de leur échange. Le Forum a constaté des progrès sans précédent, de nombreux pays (32 sur les 59 examinés jusque-là) ayant changé leur législation à l'instar de la Belgique, qui a mis fin à son secret bancaire, de la Suisse, qui s'est mise au standard, ou des îles Vierges britanniques, qui ont enfin mis en place des règles strictes pour assurer l'existence d'information sur les propriétaires des quelque 800.000 sociétés offshore enregistrées !

En deux ans, des progrès considérables ont été réalisés mais un long chemin reste à parcourir. Ces progrès ne se limitent pas, loin s'en faut, aux seules personnes physiques, mais va permettre une lutte plus efficace contre les pratiques fiscales agressives des sociétés, notamment dans le domaine des « prix de transfert ». Accédant maintenant en temps utile à l'information concernant les transactions avec les sociétés offshore, les administrations fiscales seront mieux à même de démanteler des montages pouvant porter sur des milliards d'euros. Le Kenya et un nombre grandissant de pays en voie de développement ne s'y trompent pas en ayant rejoint le Forum mondial pour bénéficier de ces progrès rendus possibles par plus de transparence.

Malgré ces progrès, l'OCDE est déterminée à agir pour obtenir encore plus de transparence. Nous venons d'ouvrir la Convention multilatérale sur l'assistance administrative à tous les pays du monde et nous nous réjouissons de savoir qu'à Cannes, grâce au soutien de la présidence française, tous les pays du G20 s'y associeront.

La bataille pour un système fiscal transparent dans le monde est en train de se gagner sur un grand nombre de fronts. Les centres de taxe offshore ne seront plus jamais tolérés et les fraudeurs n'auront plus moyen de se cacher. Mais le temps de l'autosatisfaction n'est pas encore venu. En collaboration avec le G20, nous continuerons de travailler pour garantir à tous les citoyens et aux gouvernements un système fiscal juste et équitable à travers le monde.