Oui, en France, on peut interdire le "streaming" non autorisé

Par Fabrice Lorvo  |   |  694  mots
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Par Fabrice Lorvo, Avocat associé, FTPA

Le « streaming » non autorisé est illégal en droit français. Une évolution reste possible. Internet est une merveilleuse fenêtre sur le monde mais ce média peut porter de graves atteintes aux droits des auteurs sur leurs oeuvres.

Pour lutter contre ce phénomène, le Sénat américain étudie actuellement un projet de loi qui a pour objet de renforcer les sanctions contre les internautes en cas de streaming illégal (défini comme plus de 10 streamings non autorisés sur une période de 180 jours).

En France, la rumeur prétend que notre droit ne permettrait pas de sanctionner le streaming non autorisé et que la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) n'aurait pas compétence sur ce point. Cette rumeur n'est pas juridiquement fondée.

Nous rappellerons que le streaming est une technologie qui permet d'accéder à un contenu multimédia en lecture seule via son navigateur, sans téléchargement d'un fichier.

Le streaming est en soi une technique, un mode de diffusion. Il n'est donc pas intrinsèquement illégal. Tout dépend si le titulaire des droits d'auteur a donné ou pas son autorisation préalable pour que son oeuvre soit consultée. Vis-à-vis de l'éditeur du site, la mise en ligne de l'oeuvre sans l'autorisation de l'auteur constitue toujours un délit de contrefaçon, quel que soit le mode de diffusion offert à l'internaute (streaming, téléchargement, etc.).

Vis-à-vis de l'internaute, certains prétendent que l'absence de téléchargement ferait que le streaming ne pourrait pas tomber sous le coup de la loi. Il est exact que le droit de l'auteur consiste notamment à autoriser la reproduction (c'est-à-dire la fixation matérielle) de son oeuvre et que le streaming ne fixe l'oeuvre que très temporairement puisqu'il n'y a pas téléchargement. Cependant, ce débat juridique présente peu d'intérêt pratique dès lors que le droit d'exploitation de l'auteur comprend aussi celui de la représentation de son oeuvre, qui consiste dans la communication de l'oeuvre au public par un procédé quelconque.

Dans ces conditions, il n'est pas contestable que, en droit français, le streaming non autorisé est illégal. L'internaute peut donc engager, à ce titre, sa responsabilité, qu'elle soit civile ou pénale. Au plan pénal, le streaming non autorisé constitue le délit de contrefaçon ou celui de recel. S'agissant du recel, la question est de savoir si l'internaute savait qu'il bénéficiait, en toute connaissance de cause, du produit d'un délit. L'internaute moyen devrait pouvoir déduire le caractère délictueux de l'offre en streaming lorsqu'elle est faite sur Internet, de manière gratuite et sans présence du logo label « Hadopi offre légale ».

Rappelons que, au plan civil, une seconde personne peut être responsable, à savoir la personne titulaire de l'abonnement à Internet (si elle est différente de l'internaute). Le non-respect de cette obligation peut justifier l'engagement de la riposte graduée par la commission de protection des droits de Hadopi. Le fait que le droit français interdise, à ce jour, le streaming non autorisé n'exclut pas une possible évolution à terme. Depuis juin 2011, un des « lab » de Hadopi (le Lab Propriété intellectuelle et Internet) a lancé une réflexion collaborative sur le streaming.

De plus, le débat engagé devant le Parlement américain pourrait être source d'inspiration pour faire évoluer le droit français. Ce qui est intéressant dans le projet de loi américain, c'est qu'en alourdissant les sanctions (signe de l'importance du préjudice subi par les auteurs) il légalise aussi le streaming non autorisé à petite dose (moins de 10 streamings non autorisés sur une période de 180 jours). Les nouvelles habitudes de consommation des internautes sont donc reconnues mais elles sont canalisées.

Légaliser partiellement le streaming non autorisé en France posera cependant d'autres difficultés, notamment en termes de nombre maximum de streamings non autorisés légalisés, de contrôle des consultations et d'indemnisation des auteurs pour le streaming non autorisé légalisé.