Le coup de massue qui rend lucide

Par Jacques Rosselin, directeur de la rédaction de La Tribune.
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Horreur et malédiction ! Les marchés paniquent, l'euro baisse, les taux s'envolent, le spectre du krach est de retour et le miraculeux plan de sauvetage de l'Europe annoncé victorieusement par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel nous aura offert un répit... de cinq jours. La raison de cette systémique catastrophe ? Le Premier ministre grec a simplement annoncé qu'il souhaitait consulter son peuple début 2012 sur les mesures qui lui sont imposées par la "troïka" (BCE, Commission européenne et FMI). Rien de plus. Quoi de plus normal après tout ? La Grèce-berceau-mondial-de-la-démocratie se devait de nous rappeler que les peuples peuvent de temps à autre avoir leur mot à dire, par exemple sur leur appartenance à la zone euro, puisque c'est bien cela qui est en jeu dans le cas d'un "non" au référendum proposé par Georges Papandréou.

C'est vrai, le référendum n'est souvent qu'un simulacre de démocratie, utilisé par des dirigeants qui confondent populisme et popularité. Il est l'ultime recours quand la démocratie représentative a échoué et qu'elle ne représente plus grand-chose. La construction européenne, élaborée selon la légende sur un coin de table par un quarteron de visionnaires, s'accommode mal des peuples et prend soin depuis son origine de les contourner. Lorsque les Danois, Irlandais, Français ou Hollandais ont eu la chance d'être consultés, ils ont répondu "non" et leurs dirigeants sont passés outre ou, mieux, ont prié leurs citoyens de revoter dans le bon sens.

A la longue, cela finit par détacher les Européens de leur projet historique. Encore récemment, nous nous sommes étonnés, dans les colonnes de ce journal, qu'aucun débat sur le plan de sauvetage de la Grèce n'ait été organisé au Parlement, contrairement à ce qui s'est passé chez nos voisins allemands, alors que des centaines de milliards d'argent public sont en jeu. Le leader allemand de l'opposition, Sigmar Gabriel, patron du SPD a d'ailleurs saisi l'occasion et réclamé un référendum en cas de modification des traités. Et, en Grande-Bretagne, plus de 80 députés conservateurs ont exigé un référendum sur le rattachement de la Grande-Bretagne à l'Union européenne...

Paul Morand comparait un référendum à l'augmentation de capital d'une entreprise en difficulté : "quand une affaire marche mal, on met le peuple dans le coup." Les Chinois qui, n'en doutons pas, suivent avec attention l'évolution de la situation, ont un autre proverbe et parlent du "coup de massue qui rend lucide". Gageons que la massue ait rempli sa mission et remercions les Grecs d'avoir brutalement rappelé les peuples au bon souvenir de leurs dirigeants.

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Commentaires 6
à écrit le 02/11/2011 à 15:06
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certes, mais un autre chinois incité de C dans l'air il y a 2j qualifiait nos réflexions philosophiques de "lunaires", et je le comprends. Car à force de nier les réalités, de raser gratis, de ménager son aile droite, son aile gauche...on finit par n...

à écrit le 02/11/2011 à 13:35
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merci , trés bon article

à écrit le 02/11/2011 à 13:04
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je pense que pour que l'euro fonctionne il aurait fallut tout nivelé par le bas, pas la j'entend égalisé les système sur les même base financière, comme par exemple dire, la fourchette de salaire minimum dans les pays européen et compris entre 1100 e...

à écrit le 02/11/2011 à 11:22
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Tourt dépend de la question posée. Le vrai referendum est celui de la monnaie. La valeur d'une monnaie est liée aux performances de son économie (forte elle grimpe, faible elle se dévalue), elle ne peut pas être imposée. C'est aussi une arme économ...

à écrit le 02/11/2011 à 9:10
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SIC : C'est vrai, le référendum n'est souvent qu'un simulacre de démocratie, utilisé par des dirigeants qui confondent populisme et popularité. Il est l'ultime recours quand la démocratie représentative a échoué et qu'elle ne représente plus grand-ch...

à écrit le 01/11/2011 à 22:49
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Effectivement, coup de massue il y a, pour les européens au moins. Mais est-il du à une prise de conscience des politiciens hellènes ou à un peuple plus proche de l'insurrection que de l?indignation ? Merci de nous éclairer.

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