Le G20 et le partage de souveraineté : pour la réforme du secteur financier

Par Paul Martin, ancien Premier ministre du Canada.
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L'interdépendance des États est aujourd'hui si profondément ancrée que la mondialisation prend un tout nouveau sens : la crainte d'un monde où la perméabilité des frontières facilite la contagion. C'est pourquoi la réforme du système bancaire mondial doit être au centre des priorités du G20.

Avant tout, la réglementation bancaire doit être formulée à l'échelle nationale - les circonstances uniques de chaque Etat et la connaissance des marchés locaux sont trop importantes. Mais il faut reconnaître que la réforme du système financier ne pourra se faire qu'avec des réglementations nationales qui ne s'adaptent pas à l'échelle mondiale. En d'autres mots, la coordination mondiale de la réglementation est essentielle pour une industrie bancaire sans frontières. Cette coordination doit aussi inclure la Chine, l'Inde et les économies émergentes. Ces États n'ont peut-être pas causé la récente crise mais dans le cas de la Chine, qui abrite maintenant deux des plus grandes banques au monde, ils ne seront pas à l'abri de la prochaine.

Dans ce contexte, j'attire l'attention sur l'importance d'une instance internationale consacrée à contrôler la montée des risques systémiques, partout dans le monde, et à anticiper les sources potentielles de contagion. Un organisme pouvant prendre en charge ce mandat existe déjà, à l'état embryonnaire. C'est le Conseil de stabilité financière (CSF). Mais son autorité reste indéfinie, il manque de personnel, de pays membres. Et certains pays refusent pour le moment de partager leur souveraineté à un niveau qui conférerait au CSF un véritable pouvoir d'action.

Certains diront que l'application de la coordination à l'échelle internationale porte atteinte à la souveraineté des Etats. C'est cet argument qu'on avançait il y a douze ans contre le renforcement du Forum de stabilité financière et qui a fini par miner sa pertinence. Voilà l'importance de donner au CSF l'autorité nécessaire et voilà l'importance du G20. Pour comprendre les enjeux de la mondialisation, il faut dégager un consensus international qui ne peut plus se limiter à la définition traditionnelle de la souveraineté qui se soucie surtout des querelles de clocher inhérentes à l'existence de frontières rigides. Le contexte a changé. La crise de la zone euro nous a appris que la définition de souveraineté doit désormais tenir compte du devoir et de la responsabilité des nations les unes envers les autres.

Dans ce contexte, le G20 est la seule table où toutes les puissances économiques majeures peuvent négocier le partage de souveraineté qui rendra la mondialisation véritablement possible pour tous. En fait, dans un monde interdépendant, le partage de souveraineté est la seule façon de la protéger. Et plus tôt les grandes puissances le reconnaîtront, mieux ce sera pour nous tous. Par exemple, que dire du refus de l'Europe à deux reprises d'introduire de vrais tests de robustesse pour assurer la solvabilité de leurs banques après la crise ? En compromettant ainsi la reprise mondiale, l'Europe n'a-t-elle pas enfreint la souveraineté de tous ces pays où les banques ont dû se plier à des tests adéquats ? Un CSF fort n'est pas une menace pour la souveraineté des nations. Il constitue une protection déterminante pour la souveraineté économique au XXIème siècle. Cette réalité paraît évidente lorsqu'on se penche sur l'inexorable évolution que connaîtra le système bancaire mondial au cours de la prochaine décennie.

Avant la crise financière, les Etats-Unis et le Royaume-Uni sabraient la réglementation bancaire pour attirer les institutions financières à New York et à Londres dans une course pour le titre de capitale financière du monde. Qu'arrivera-t-il lorsque Hong Kong et Shanghai combineront leurs efforts pour devenir la capitale financière mondiale et décideront - eux aussi - d'utiliser la déréglementation pour attirer les investissements ? La structure des normes internationales minimales s'effondrera sous nos yeux. Le G20 n'a pas à trouver des raisons pour agir. Il n'a qu'à se tourner vers la question qui avait motivé sa création : la crise bancaire des années 1990 a mené à la création du G20 au niveau des ministres des Finances et la crise bancaire de 2008 a mené au G20 des dirigeants. La question est très simple : combien de fois devrons-nous apprendre la même leçon ?

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