Comment la banque de détail peut encore préserver l'emploi

Par François Long  |   |  683  mots
Copyright Reuters
Par François Long, consultant bancaire.

La banque de détail est à un tournant de son histoire. Les effectifs salariés représentaient 381.000 personnes en 2010, en recul de 0,3 % sur 2009. Depuis trois ans, ces effectifs sont en retrait d'une année sur l'autre, après un plus-haut atteint en 2007 (près de 387.000 personnes).

Ces évolutions ne sont pas très sensibles pour le moment, mais ce n'est que le début. Et cela pour plusieurs raisons :

- la crise protéiforme qui a débuté en 2008 commence à avoir des conséquences (et en aura de plus en plus) sur les charges d'exploitation à maintenir, ou plutôt à diminuer, compte tenu de la stagnation inévitable de certaines sources de chiffre d'affaires (activités de marché, banque de financement et d'investissement, commissions financières sur les achats et les ventes de titres, LBO, etc.).

- par ailleurs, les nouvelles règles prudentielles (ratios de liquidités, ratio de fonds propres revu à la hausse de manière relativement importante) vont mécaniquement avoir un effet ralentisseur sur la distribution de crédit. Et donc sur la chaîne qui s'occupe du traitement de cette activité essentielle pour la banque. Les bilans bancaires vont se réduire (ils ont commencé).

- enfin et surtout, au-delà des conséquences de cette crise qui va sans doute avoir un effet dépressif pendant encore quelque temps sur l'activité bancaire, on arrive à la fin d'un modèle bancaire de commercialisation des produits, d'approche bancaire par rapport aux attentes des clients. Les habitudes des clients ont changé beaucoup plus vite que les banques qui n'ont pas voulu ou pu s'adapter. Il est étonnant, par exemple, que les agences aient toujours gardé leurs horaires habituels d'ouverture, alors que les autres commerces ont évolué à ce sujet. Les clients demandent beaucoup plus de réactivité qu'auparavant ; or les banques traditionnelles ne savent pas traiter l'urgence.

Il y a manifestement un certain désamour entre les banques et leur clientèle. Une partie de l'explication est à rechercher dans cet immobilisme bancaire. Les banques devraient adapter leurs horaires aux habitudes de leurs clients, leur permettre de nouvelles fonctionnalités (souscrire un plus grand nombre de produits à distance, car cela leur fait gagner du temps, sans avoir peur de perdre des possibilités de contact, simplifier les offres, les rendre plus transparentes). Enfin, la question de la distribution par les banques de services à la personne (alarmes, abonnements en tous genres, aides à la personne, voyages, spectacles et loisirs) se pose. On peut imaginer que des offres d'emploi d'entreprises clientes (ou non) soient mises à disposition du public dans les locaux de l'agence. Après tout, gérer des comptes est un service à la personne (physique ou morale). D'autres services à la personne peuvent (doivent) être rendus par l'agence bancaire qui doit redevenir un lieu innovant, attractif et de création de valeur.

Le recul d'une partie des activités bancaires classiques sera compensé par la perception de ces nouvelles commissions. Cette nouvelle offre sera une source de contact, de vente, de diversification de la clientèle, de renouvellement du fonds de commerce et de meilleure connaissance des besoins et comportements des clients consommateurs. À cette occasion, il faudra rendre les agences plus accueillantes. Elles peuvent devenir un lieu où il est agréable de passer un peu de temps (café, lecture de revues, écrans interactifs et TV, Bourse en direct, publicités sur les produits et services autres que bancaires, coin pour les enfants,...). Il est sans doute inévitable de regrouper certaines agences afin d'en faire de plus grandes sur le même modèle. Si la banque ne fait pas cela, d'autres le feront. La grande distribution a d'ailleurs commencé. Il faut du reste noter que certaines banques ont pris modestement ce chemin (exemple LCL), mais sans trop insister sur ce tournant stratégique. La banque ne se dépréciera en pas en prenant ce tournant, bien au contraire. Elle fera preuve d'imagination et de modernité.

Les clients apprécieront cette évolution et lui en sauront gré. Et on constatera une progression des chiffres d'affaires. Ainsi, l'emploi bancaire non seulement sera épargné, mais il progressera.