Pourquoi si peu de femmes économistes dans les débats publics !

Jézabel Couppey-Soubeyran, maître de conférences en économie à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et Ecole d'économie de Paris regrette que la France ne donne pas plus de place aux femmes dans le débat public. Pour cela, selon elle, il faudrait aussi changer le langage de l'économie.

Pourquoi si peu de femmes économistes émergent dans le débat public. Je vois plusieurs raisons à cela.

La première est simple : il y a moins de femmes économistes que d'hommes économistes. On est loin de la parité dans la discipline. En France, les maîtres de conférences en économie comptent 38% de femmes, les professeurs 18% seulement et, au tout dernier échelon de la classe exceptionnelle des professeurs, il n'en reste plus que 6%! Ces taux progressent mais lentement. A noter que le problème n'a rien de français car c'est pire, par exemple, aux Etats-Unis où l'on dénombre en moyenne dans les départements d'économie 28% de femmes parmi les assistant professors, et 12% seulement parmi les full professors. C'est moins qu'en physique ou dans les sciences de l'ingénieur, et ce n'est pas si étonnant quand on prend en compte que la discipline fonctionne là-bas de manière beaucoup plus concurrentielle et distribue des salaires beaucoup plus élevés - la profession des économistes y est plus valorisée et de ce fait encore plus réservée aux hommes. Pour l'anecdote, la plupart des prix Nobel d'économie ont d'ailleurs des épouses formidables, qui ont souvent pris en charge la famille et la maison et oublié leur propre carrière, pour que leurs savants maris puissent entièrement se consacrer à leur recherche - exceptée Janet Yellen, l'épouse de George Akerlof, exception qui confirme la règle !

La seconde raison, me semble-t-il, est que la profession valorise assez peu la participation au débat démocratique. La reconnaissance s'acquiert et la carrière progresse en publiant dans des revues internationales bien classées. Alors pour une femme économiste qui cherche à concilier son travail et sa vie de famille sans compromettre sa progression de carrière, mieux vaut se concentrer sur la publication d'articles académiques dans des revues bien classées que passer du temps à vulgariser auprès du grand public et des médias ! On comprend dans le même temps pourquoi le fossé se creuse entre les économistes et les citoyens. Ces derniers sont peu armés pour le débat d'idées économiques précisément parce que les économistes ne se préoccupent guère de communiquer leurs idées au grand public dans un format adapté. C'est dommage et même coupable car le débat démocratique en souffre terriblement. A cet égard, il faut saluer l'éclosion d'événements d'ampleur comme les Rencontres économiques d'Aix-en-Provence, les Jéco de Lyon et le Printemps de l'Economie à Paris.

La troisième raison tient au langage des économistes, souvent technique et jargonneux, pas seulement parce que la matière s'y prête mais surtout parce que cette technicité est une sorte de bunker qui met à l'abri de la remise en question et qui assoit le pouvoir de celui qui la maîtrise.

Et si pour féminiser l'économie, nous commencions par féminiser le langage des économistes ? C'est ce que nous avons cherché à faire avec Marianne Rubinstein dans notre livre « L'économie pour toutes » (éd. La Découverte, mai 2015, Prix Lycée Lire l'économie 2014). Nous sommes parties du constat que livrent bon nombre d'enquêtes : les femmes, (encore) plus que les hommes, se tiennent à distance des questions économiques, qu'elles ont le sentiment de mal maîtriser alors même qu'elles prennent des décisions économiques tous les jours. Et nous nous sommes dit que le langage des économistes avait sa part de responsabilité. Alors nous avons refusé la posture et le jargon de l'expert. Pour que les femmes parlent davantage d'économie, il faut que l'économie leur parle autrement. Sans absolument rien concéder sur le fond, nous avons cherché avec Marianne une phrase plus féminine, plus légère, plus en connivence avec la lectrice. Cela donne un ouvrage qui parle d'économie aux femmes et que les hommes feraient bien de lire aussi !

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Commentaires 5
à écrit le 09/03/2015 à 10:58
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Il n'y a pas de féminin pour le mot "économiste" Mais il y en a un pour "courtisan", qui sonne très mal...

à écrit le 09/03/2015 à 8:23
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Je veux parler de la relation entre cout du travail et prix de l'énergie; la baisse de l'un au détriment de la hausse de l'autre est bénéfique jusqu'à un certain seuil. C'est encore une femme qui a exprimer cela.

à écrit le 09/03/2015 à 8:16
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L'économie nécessite d'adopter un double raisonnement (le double dividende de Mireille Chiroleux-Assouline). Il semblerais que les femmes sont plus accessibles à ce type de raisonnement. Qu'elles s'expriment!

à écrit le 09/03/2015 à 7:53
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Il faut que les femmes qui connaissent la solution s'expriment. Il y en a une à coe-rexecode qui a rédigé un document sur la réforme de la fiscalité par exemple.

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