Le changement de stratégie de la Fed devrait profiter aux pays émergents

La banque centrale américaine devrait relever ses taux d'intérêt beaucoup plus lentement que prévu. Une bonne chose pour les pays émergents. Par Anatole Cheysson (CEPII), Stéphane Lhuissier (CEPII), Fabien Tripier (CLERSE - Université Lille, CEPII)
Janet Yellen, présidente de la Fed

Le 15 juin, le comité de politique monétaire américain (FOMC) a décidé de ne pas changer la cible du taux des fonds fédéraux, actuellement entre 0,25 % et 0,50 %. Cette décision s'inscrit dans le prolongement de celles prises lors des précédentes réunions de janvier, mars et avril.

 La hausse « historique » de décembre 2015, mettant fin à sept années de ciblage de taux entre 0 % et 0,25 %, apparaît bien isolée et ne marquera pas finalement le début d'une phase de normalisation de la politique monétaire maintes fois annoncée. L'examen attentif des décisions du comité, notamment de ses prévisions, montre que nous n'assistons pas qu'à un simple report de la hausse des taux mais plutôt à une substantielle révision de la trajectoire de sortie de la politique de taux zéro préconisée par la banque centrale américaine.

En décembre 2015, les membres du FOMC préconisaient[1] d'élever le taux jusqu'à 1,30 % pour 2016. Mais le taux moyen observé sur les six premiers mois de 2016 est resté très en-deçà (0,36 %) compte-tenu des décisions du comité. Pour l'année en cours, le comité a revu ses préconisations et suggère désormais d'atteindre un taux de 0,83 %. La révision à la baisse de la cible de taux concerne également les années 2017 et 2018, voire même au-delà (voir graphique). Le rythme de progression des taux a aussi été révisé à la baisse. En décembre 2015, le comité préconisait de relever les taux de plus d'un point de pourcentage par an en 2016 et 2017 (1,30 % et 1,13 %, respectivement) contre seulement 0,80 % et 0,83 % en juin 2016. Au final, nous assistons à la fois à un report de la politique de relèvement des taux et à une atténuation marquée de la trajectoire qui devrait être suivie.

Une décision qui affecte l'ensemble de l'économie mondiale

Cette décision de politique monétaire était très attendue, et pas uniquement aux États-Unis. En effet, par leurs impacts sur le dollar et les marchés financiers internationaux, ces décisions affectent l'ensemble de l'économie mondiale. Les économies émergentes sont particulièrement concernées et peuvent se révéler plus affectées par ces décisions que l'économie américaine elle-même. Dans une récente Lettre du CEPII, nous estimons qu'un relèvement rapide des taux d'intérêt américains pourrait coûter[2] un point de croissance aux pays émergents, contre un demi-point pour les États-Unis (le détail des résultats des simulations est consultable sur le site : https://visualdata.cepii.fr/).

Dans le contexte économique actuel, cette révision de la trajectoire de sortie de la politique de taux zéro aux États-Unis est plutôt une bonne nouvelle pour les économies émergentes. Elle pose néanmoins la question de la crédibilité des préconisations du comité de politique monétaire si systématiquement elles venaient à être révisées à la baisse.

[1] Il s'agit ici de la moyenne des réponses des 17 membres du FOMC sur leur évaluation de la politique monétaire appropriée pour les années à venir et à long terme.

[2] Le travail empirique réalisé consiste à mesurer l'impact d'un choc monétaire exogène défini comme une variation de taux d'intérêt (ici une hausse) qui ne s'explique pas par une variation des fondamentaux de l'économie américaine ou la réaction de la banque centrale à cette variation.

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Commentaires 2
à écrit le 20/06/2016 à 16:22
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A force de retarder l'echeance de remonté des taux, le FED sera bien ennuyé quand la recession arrivera car elle ne pourra plus jouer sur la baisse des taux, les taux étant déjà au plancher. La NON DÉCISION se paie un jour

le 21/06/2016 à 10:59
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Totalement d'accord! Et plus on repousse l'échéance, plus la note sera salée...Que va nous proposer la Fed en cas de défaillance des marchés un énième QE?

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