Europe : la réforme ou la fin ?

Par Les Arvernes  |   |  992  mots
La Commission de Bruxelles. Il faudrait que la moitié des 150 plus hauts postes au sein des institutions soient pourvus par détachement de hauts fonctionnaires nationaux.
L'Europe va plus mal: elle est en danger. Pour la sortir de cette situation, des réformes s'imposent. Elles doivent être radicales. Par Les Arvernes*

Jusqu'à il y a peu, l'Europe allait mal. Encalminée dans une croissance potentielle faible, deux fois inférieure à celle des États-Unis, incapable de régler les difficultés d'une zone euro pour laquelle elle avait tant promis, sourde au rejet grandissant des peuples européens, elle continuait à se perdre dans des discours auto-justificateurs. Aujourd'hui, l'Europe est en danger. Au mieux, elle risque de glisser vers l'insignifiance, comme d'autres organisations internationales (ONU, Conseil de l'Europe) avant elle. Au pire, avec le Brexit, elle a peut-être commencé sa déconstruction.

Des principes attaqués de toutes parts

Comment en est-on arrivé là ? Le plus grave tient à l'érosion des principes sur lesquels l'Europe est fondée, attaqués de toute part. L'unilatéralisme allemand, dans le domaine énergétique d'abord (sortie abrupte du nucléaire), dans le domaine migratoire ensuite, est directement contraire à l'esprit européen, forgé autour du consensus. Il a ouvert des plaies profondes, que Berlin s'obstine à ne pas voir. La bureaucratie excessive ensuite, dont les fonctionnaires européens sont les agents mais non les responsables, la façon dont les élites bruxelloises et nationales ont trop longtemps méprisé l'expression populaire, ont dangereusement distendu le lien pourtant indispensable entre l'Europe et les peuples.

 La France doit balayer devant sa porte

Alors que faire ? D'abord, balayer devant notre porte. La France, mère de l'Europe, de reports en reports de ses engagements budgétaires, de refus en refus de réformer son économie, en particulier depuis 2012, a perdu la seule place qui a longtemps été la sienne, et à laquelle son économie, et, ceci est trop souvent oublié, ses responsabilités géopolitiques et militaires la destinent : la première. C'est dire que le relèvement de la France, son retour au premier plan, désiré par les allemands qui, instruits de l'Histoire, savent la nocivité d'une Europe dominée par Berlin, est tout autant une priorité nationale qu'européenne.

Changer radicalement le fonctionnement  des institutions

Si le destin de l'Europe est très largement dans les Etats Nations qui la composent, les institutions et les politiques européennes doivent également être enfin réformées. A Traité constant, les principes suivants doivent prévaloir.

D'abord la démocratie. Le Traité de Lisbonne a apporté des améliorations. Mais la démocratie ne réside pas uniquement dans les processus constitutionnels. Elle réside tout autant, Jean Monnet l'a bien montré, dans la façon dont les hommes se coulent dans les Institutions. A cet égard, le fonctionnement des Institutions européennes doit radicalement changer. La Commission, les Commissaires européens et les plus Hauts fonctionnaires européens, auraient évidemment dû démissionner après le Brexit. Depuis trop longtemps, l'irresponsabilité y préside. De son coté, le Parlement européen s'est dangereusement fondu dans un système d'alliance entre la gauche et la droite européenne. Qu'il soit permis de rappeler ici que les principes de l'alternance politique et de la responsabilité sont le sel et l'oxygène de la démocratie. Afin de les vivifier, deux mesures sont urgentes : la fin de tout accord entre la droite et la gauche au Parlement européen ; la démission systématique des 150 plus hauts gradés à chaque nouvelle Commission.

Que la commission se concentre sur les politiques économiques

Ensuite l'efficacité. L'Europe, si elle veut survivre, doit prouver son efficacité, et obtenir des résultats. Dans ce but, elle doit se concentrer sur ce qu'elle sait faire, c'est à dire, car le temps de la diplomatie et de la défense européennes ne sont pas venus, sur les politiques économiques. La Commission actuelle a timidement ouvert ce chantier. Il est urgent d'aller plus loin. Les politiques communautaires, certains candidats Républicains dont Nicolas Sarkozy l'ont justement proposé, doivent être regroupées en un nombre limité, qui correspond largement aux compétences exclusives : la concurrence, le marché intérieur, le commerce, la monnaie. L'Europe doit cesser de prétendre qu'elle est en charge de la culture, de l'emploi, de toutes les compétences dites d'appui dans le jargon européen, qui restent en réalité nationales. Et toutes les conséquences d'un tel recentrage doivent être tirées, notamment la suppression des directions et services qui prétendent en être en charge.

Envoyer des hauts fonctionnaires nationaux à Bruxelles

Enfin, et surtout, l'état d'esprit. Bâtie contre les Etats-Nations, oublieuse des identités, à commencer par la sienne qu'elle s'obstine à ne pas reconnaître, traversée par la vision d'un monde irénique, l'Europe est sans nerf, sans volonté, sans projet. Elle est le lieu des compromis diaphanes, des procédures plutôt que des politiques. Dans un monde de violence, y compris économique, elle doit enfin être conquérante, ne pas craindre de s'affirmer, défendre bec et ongles les peuples qui la composent, en un mot, assumer un nationalisme européen. Là encore, elle a besoin d'autres hommes que ceux qui la dirigent et la composent, plus instruits de réalités que les meilleurs des hommes ne sauraient percevoir après trop d'années passées dans les couloirs feutrés des institutions européennes. Nous proposons donc que la moitié des 150 plus hauts postes au sein des institutions soient pourvus par détachement de hauts fonctionnaires nationaux.

Toutes ces réformes sont urgentes. Elles ne nécessitent pas de changements institutionnels, inconsidérément jetés en pâture par certains (suppression de la Commission), et qui flattent les extrêmes mais n'ont aucune chance d'être acceptés par nos partenaires. Elles n'exigent nullement de convoquer des référendums, procédure parfois nécessaire, mais qui doit être maniée avec sang-froid. Elles supposent de l'engagement de la part du prochain Président de la République et de la prochaine majorité parlementaire, convaincus, comme nous le sommes, de l'urgence à changer l'Europe pour la sauver.

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Les Arvernes sont un groupe de hauts fonctionnaires, de professeurs, d'essayistes et d'entrepreneurs.