CETA : Paul Magnette, responsable mais pas coupable

Bruxelles crie haro sur la Wallonie, mais l'inertie des institutions européennes alimente aussi les craintes de dumping social.
Florence Autret
Ce serait un peu court de n'accuser que Magnette du chaos qui a déjà largement démonétisé l'Union européenne comme partenaire commercial.

Si le but de Paul Magnette était de rendre sa région célèbre dans le monde entier, c'est réussi ! Grâce à l'obstination du jeune ministre-président socialiste, plus personne n'ignore de ce côté ou de l'autre de l'Atlantique où se trouve la Wallonie, ni Namur, sa majestueuse forteresse et les élégants bâtiments du parlement régional. Et le monde entier sait qu'en belge, le « W » se prononce « Oué », comme en néerlandais, en allemand ou en anglais, sauf peut-être François Hollande qui ne se lasse pas d'utiliser le joli néologisme de « Vallonie » pour désigner la province du sud de la Belgique, comme si la Sambre se jetait dans la Loire.

En fait, la Commission a déjà perdu le soutien des Etats-membres

Ce serait un peu court de n'accuser que Magnette du chaos qui a déjà largement démonétisé l'Union européenne comme partenaire commercial. En réalité, la Commission européenne a perdu le soutien des Etats membres, et pas seulement de la Wallonie, en tant que gendarme et super-diplomate des 28 sur la scène commerciale mondiale.

« Au Conseil européen de juin, on a demandé à Jean-Claude Juncker qu'il ne soulève pas la question du commerce car il risquait d'entendre une réponse qui ne lui plairait pas. Il l'a fait. Il a eu une réponse. Elle ne lui plaisait pas », raconte  une source au Conseil européen... où ne siège pas M. Magnette.

C'est suite à cette expérience désagréable que Jean-Claude Juncker consentit à faire de l'accord canadien un accord « mixte », autrement dit, à donner un droit de veto aux parlements régionaux et nationaux.

Incapacité à taxer correctement l'acier chinois

Au fait ! Savez-vous précisément combien de parlements nationaux et régionaux devraient ratifier le CETA ou tout autre accord dit "mixte"? Vous ne savez pas? Rassurez-vous : à Bruxelles non plus, on n'est pas sûr.

De la Commission au Conseil en passant par le Parlement, personne n'avait la réponse à l'heure où l'on bouclait ce journal (lundi soir). Apparemment, on a oublié de compter le nombre de cartes de veto distribuées à la surface du continent. Tablez quand même sur « une quarantaine », selon la Commission ! Que Paul Magnette se rassure : la Wallonie n'est pas prête de voir débouler les juges d'une « Cour d'investissement ».

Autre symptôme de désunion : la difficulté de la Commission européenne à surtaxer correctement l'acier chinois. En 2013, le prédécesseur de Cecilia Malmström, le commissaire au Commerce Karel de Gucht (Belge) a en effet proposé une réforme des droits anti-dumping dans le but d'augmenter ses marges de manœuvre pour fixer les droits à l'importation en cas de concurrence déloyale.

Europe: deux fois moins de taxes anti-dumping qu'aux Etat-Unis !

Le timing était très opportun : quelques mois avant, Arcelor Mittal supprimait deux tiers des emplois à Liège (Wallonie) pour cause de chute des prix mondiaux, provoquant une nouvelle crise sociale.

Trois ans plus tard, une minorité de blocage réunie autour du Royaume-Uni bloque toujours la réforme. De quoi alimenter le soupçon contre "Bruxelles" au parlement wallon. De là à dire que la mauvaise volonté britannique sur les instruments de défense commerciale a eu raison du traité canadien, il n'y a qu'un pas. Toujours est-il que, pour la même part des importations mondiales tous biens confondus, l'Europe prélève toujours deux fois moins de taxes anti-dumping que les Etats-Unis, selon l'OMC.

Florence Autret

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Commentaires 2
à écrit le 25/10/2016 à 15:39
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Un peu court Mme Autret: le CETA reste soutenu par 27 Etats sur 28, il n'y a donc pas perte de soutien, surtout que le CETA a été demandé par les Etats membres, lesquels ont accordé un mandat détaillé de négociation (la Commossion ne peut négocier qu...

à écrit le 25/10/2016 à 10:06
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"De là à dire que la mauvaise volonté britannique sur les instruments de défense commerciale a eu raison du traité canadien" Déjà que nos décideurs européens étaient naïfs à souhaits, permissifs en permanence envers les puissances financières du m...

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