Le dilemme d'Angela Merkel

Par François Roche, conseiller éditorial à La Tribune.
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Ceux qui écriront dans quelques années l'histoire de la crise de l'euro mettront probablement en avant le rôle particulier qu'y a joué Angela Merkel et la séquence dans laquelle se sont inscrits ces événements dans l'histoire de la construction européenne. A la fin des années 1950, l'Europe a été conçue pour réintégrer l'Allemagne dans le coeur des nations européennes après la tragédie de la guerre. Jusqu'à la chute du Mur, l'Europe a d'abord été un objet économique. Le Marché commun a permis à l'Allemagne de prendre une position clé dans les échanges commerciaux et dans la montée en puissance économique du Vieux Continent. Mais aucune responsabilité politique réelle ne lui incombait alors, autre que celle de consolider le lien avec la France pour conforter l'intégration économique.

Puis, la réunification a ouvert une page nouvelle. Ce fut une décision politique d'une extraordinaire importance prise par le chancelier Kohl, seul. L'Allemagne se rééquilibrait ainsi vers l'Est, voyait son poids démographique et politique s'accroître dans l'Union, ce qui l'a conduite à accepter les pertes relatives de souveraineté en travaillant activement à la mise en place de la zone euro. Mais elle laissait filer une cause pour laquelle elle avait pourtant bataillé : la mise en place d'outils de gouvernance pour cette zone.

La crise des dettes souveraines marque une troisième étape décisive. L'Allemagne se retrouve de facto en charge de l'Europe. Elle ne l'a pas vraiment cherché mais les circonstances ont été telles qu'Angela Merkel n'a eu d'autre choix que de prendre la barre du bateau ivre pour éviter qu'il ne se fracasse contre les récifs. Berlin doit cette promotion à son statut de première puissance économique européenne, non exempte de fragilités, mais dans une situation financière sensiblement plus solide que celle de ses grands partenaires. Est-ce qu'à ce titre, sauveur de la zone euro (pour l'instant...), l'Allemagne est fondée à prendre en main le destin de l'Europe ?

Dans son discours d'hier devant la CDU à Leipzig, elle promet elle aussi des larmes et de la sueur aux Allemands, évoquant, comme François Fillon, "la crise la plus grave depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale". Mais demande "plus d'Europe", plaide pour une union politique même si elle doit s'accomplir "à petits pas". Angela Merkel touche là une limite de l'influence de l'Union : tant que des outils de gouvernance clairs ne seront pas mis en place, ce qui implique une remise à plat des traités, l'Europe ne pourra pas se construire un destin politique dans le monde qui vient. L'Allemagne peut fort bien jouer un rôle leader dans le développement économique de l'Union, dans ses relations avec la partie orientale du continent, fort délaissée en ce moment, mais est-elle prête à exercer un leadership politique décisif ? Il n'est pas tout à fait certain que ce soit dans sa nature, dans ses capacités et dans son intérêt.

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