Le prix politique du triple A

Par froche@latribune.fr  |   |  308  mots
Copyright Reuters
Par François Roche, conseiller éditorial à La Tribune.

L'hypothèse de la perte du triple A par la France a pris corps hier, avec les commentaires de Moody's. On admirera au passage la constance des agences de notation sourdes aux critiques et aux admonestations, d'où qu'elles viennent. C'est le signe d'une belle assurance et d'un sentiment d'impunité garanti. Ce qui est remarquable c'est aussi la puissance de leurs prévisions autoréalisatrices : leurs avertissements sur les notes souveraines contribuent à renchérir le coût des emprunts des États, les exposant donc à un risque de récession accru et par conséquent à de nouvelles dégradations...

En réalité, la perte du triple A par la France est d'abord une affaire politique, puisque c'est aussi le métier des agences que de porter un jugement sur la gestion des chefs d'Etat et de gouvernement. Mais le contexte dans lequel une telle décision serait prise par Moody's en atténuerait paradoxalement la portée. Plus aucune signature de la zone euro ne semble désormais sûre, y compris celle de l'Allemagne, dont la Bundesbank note que sa dette a augmenté de plus 500 milliards d'euros depuis 2005, ce qui n'est pas précisément un signe de gestion orthodoxe des finances publiques.

Tant qu'une solution crédible à la crise des dettes souveraines n'aura pas été acceptée par les pays de la zone euro, la défiance des investisseurs ne cessera pas. Nous sommes aujourd'hui face à deux grands types de solution : la mutualisation organisée (élargissement des compétences de la BCE et/ou création d'euro-obligations) ou une réforme des institutions européennes, basée sur des disciplines budgétaires accrues. C'est autour de cette alternative que va désormais s'organiser la négociation franco-allemande sur l'avenir de l'Europe. La perte du triple A français devrait peser lourdement en faveur des thèses de Berlin.