Hollande applique déjà la règle d'or

Par Philippe Mabille  |   |  575  mots
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Par Philippe Mabille, directeur adjoint de la rédaction de La Tribune.

Alors que Nicolas Sarkozy tente une nouvelle fois de convaincre le Parti socialiste d'accepter une union nationale sur la règle d'or budgétaire, avant ou après l'élection présidentielle, un petit retour en arrière s'impose pour bien en saisir les enjeux. Un consensus politique sur le sujet a déjà été tenté en France : c'était à l'hiver 2000, lors du vote de la Lolf, la loi organique relative aux lois de finances. Cette réforme budgétaire, la première de cette importance depuis les ordonnances du général de Gaulle de 1959, a été votée à l'unanimité par la droite et la gauche, sous le gouvernement Jospin. Comme quoi cela arrive...

Promulguée le 1er août 2001, la Lolf a été qualifiée de "Constitution financière de la France". Après une mûre réflexion, l'idée un moment envisagée d'y intégrer une règle constitutionnelle d'équilibre des finances publiques avait alors été écartée. Ironie de l'histoire, l'opposition principale est venue de la direction du Budget, qui craignait ses effets procycliques, comme disent les économistes, c'est-à-dire que son application rigide plonge l'économie en récession, et une limitation de la capacité de l'Etat à réagir à un événement exceptionnel. Avec une règle d'or, l'Elysée n'aurait de fait pas pu prendre les mesures de soutien aux banques à l'automne 2008, des milliards d'euros de garanties décidées sans même prendre le soin de demander l'autorisation au Parlement, consulté a posteriori.

Une règle d'or aurait en revanche un avantage mal mesuré à l'époque, celui de réconcilier le cycle économique avec le cycle électoral. Ceux-ci sont malheureusement rarement corrélés entre eux, d'où une bonne partie de nos problèmes actuels ! A preuve, depuis Jospin, aucun gouvernement n'a jamais respecté les programmes triennaux de stabilité budgétaire que la France a présentés chaque année à ses partenaires européens et à la Commission de Bruxelles. En 2007, quand il parvient à l'Elysée, Nicolas Sarkozy reçoit des mains de Dominique de Villepin un plan pluriannuel qui prévoyait un déficit de 2,5% pour 2007, de 1,8% pour 2008 et de 0,9% pour 2009, avec un retour à l'équilibre annoncé en 2010. En fait, le déficit a été de 2,7% en 2007, et de 3,3% en 2008 (soit 1,5 point de plus que prévu, à cause de la loi Tepa)... La France a donc abordé la crise avec un déficit excessif, alors que l'Allemagne l'avait réduit à zéro en 2007, profitant de la bonne conjoncture. Voilà ce que pourrait changer une bonne règle d'or : empêcher un gouvernement de mener une politique contraire aux engagements européens de la France et au cycle économique.

Mais pourquoi confier à Jean-Louis Debré, président du Conseil constitutionnel, le soin de s'en assurer ? Par la magie de la menace des agences de notation, cela marche déjà ! Depuis cet été, le candidat socialiste François Hollande s'est engagé à ne prendre aucune mesure contraire à la trajectoire décidée par l'actuel président (3% en 2013 et équilibre en 2016). Et il est en train de s'en donner les moyens puisqu'au grand dam de ses alliés Verts et du Front de gauche, il vient de renoncer définitivement à la retraite à 60 ans, en annonçant que cela sera réservé aux seuls salariés ayant commencé à travailler à 18 ans qui ont la totalité de leurs années de cotisation... Le triple A serait-il plus efficace qu'une règle d'or ?