Le spectre des années 30

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Par Jacques Rosselin, directeur de la rédaction de La Tribune.

Nous y sommes. La crise financière majeure de 2011 fait sentir son impact sur l'économie réelle. Les chiffres de l'Insee viennent de le confirmer : la France, en récession depuis deux trimestres, le sera encore au premier semestre 2012. Le spectre de la crise de la fin des années 20 et des années 30 plane. Les pays riches, contraints à l'époque par l'alignement de leur monnaie sur l'étalon or, donc dans l'impossibilité de dévaluer pour relancer leurs exportations, ont subi le double effet d'une politique monétaire et d'une politique budgétaires strictes. Ils n'avaient pas la possibilité d'aller se ressourcer auprès d'un prêteur en dernier ressort, ce qui devait provoquer l'évasion de capitaux des pays en difficulté, incapables de rassurer les investisseurs. Un paysage familier et inquiétant.

Même le très libéral The Economist, pessimiste, engage les gouvernements européens à ne pas refaire les erreurs d'avant-guerre et à agir énergiquement sur les leviers budgétaire et monétaire, comme l'a fait Obama en 2009 et 2010. Mais pour cela, il faut une vision politique et un accès à ces leviers. Les dirigeants européens n'ont ni l'un ni l'autre. Eux qui n'hésitent pas à invoquer le bon sens de la ménagère ou du chef d'entreprise lorsqu'ils parlent de politique des États semblent avoir du mal à comprendre un raisonnement simple : l'austérité fait fondre la consommation et grimper le chômage, ce qui nuit aux rentrées fiscales et creuse le déficit, ce qui entraîne la perte de confiance des marchés et la hausse des taux d'intérêt, donc plus de déficit et de récession. Nous sommes condamnés à ce cercle vicieux ou à l'inventivité et la volonté politique : création d'euro-obligations, activation d'un fonds de soutien massif, prêteur en dernier ressort, augmentation des salaires, plans de relance...

La Grande Dépression a conduit à la guerre et à la fin de l'étalon or. Cela devrait nous inciter à agir pour sortir rapidement d'un pilotage automatique basé sur l'équilibre budgétaire et l'impuissance monétaire.