Sarkozy au pays des Soviets

Par pmabille@latribune.fr  |   |  388  mots
Copyright Reuters
Par Philippe Mabille, directeur adjoint de la rédaction de La Tribune.

Qui eût cru qu'un lundi 2 janvier 2012, Nicolas Sarkozy aurait soutenu le projet des salariés de la compagnie de ferries SeaFrance de sauver leur entreprise en créant une société coopérative ouvrière ? Sarkozy défendant les Scop, c'est un peu Tintin au pays des Soviets... Le candidat de la rupture de 2007 semble très loin de ses bases. D'autant qu'à la veille du réveillon le ministre des Transports, Thierry Mariani, stipendiait encore la CFDT SeaFrance, accusée de "jusqu'au-boutisme" et de "fanatisme qui mène au suicide collectif" parce qu'elle refusait la reprise par Louis Dreyfus et un armateur danois. Pourtant, un deuxième regard moins caricatural oblige à reconnaître un grand pragmatisme dans la décision de l'Elysée d'aider les salariés à monter leur coopérative.

Pour faire oublier les fausses promesses de Gandrange, répondre à l'accusation d'impuissance publique, le chef de l'Etat ne pouvait pas trouver mieux. L'Etat ne peut pas tout, certes, notamment parce qu'il est contraint par les règles de la concurrence européenne. Mais il peut contourner l'obstacle en apportant son soutien à une véritable innovation sociale. Par temps de crise, aux grands maux, les grands remèdes. Si des salariés sont prêts à investir leurs indemnités dans le sauvetage de leur emploi, l'Etat peut, en versant par avance les sommes dues, crédibiliser le montage financier, sans être soi-même partie prenante. Par ce biais improbable, qui rend les salariés responsables de leur destin (et des sacrifices qu'ils sont ou non prêts à accepter), Nicolas Sarkozy retombe dans le terrain plus connu pour lui du "tous entrepreneurs" dont il a fait l'un des marqueurs du quinquennat.

En se plaçant là où on ne l'attendait pas, le président-candidat prend aussi à contre-pied la gauche. Ce sera aussi l'objectif du sommet pour l'emploi du 18 janvier que de tenter de prendre François Hollande de vitesse sur le financement de la protection sociale. La ficelle est grosse, mais, même si SeaFrance est loin d'être sauvé (il n'y a pas à ce jour de Scop ayant une telle intensité capitalistique et la gouvernance d'un tel navire reste un obstacle de taille au projet), Nicolas Sarkozy pourra au moins se prévaloir d'avoir tout essayé... y compris pour sauver son propre emploi de président !