On n'a pas tout essayé pour l'emploi...

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Par Philippe Mabille, directeur adjoint de la rédaction de La Tribune.

"Dans la lutte contre le chômage, on a tout essayé..." Par son fatalisme démissionnaire, la célèbre phrase choc de François Mitterrand résonne encore cruellement aux oreilles des millions de Français qui, depuis trente ans, ont connu la perte de leur emploi. Réaffirmer que l'on n'a pas tout essayé... pour l'emploi, voilà l'enjeu réel du sommet social que réunit, le 18 janvier prochain, Nicolas Sarkozy. L'exercice est délicat. Les syndicats ne veulent pas, à juste titre, se laisser instrumentaliser, à cent jours de l'élection présidentielle, par un président-candidat qui multiplie, depuis ses voeux, ses chausse-trapes pour la gauche : soutien illusoire à la Scop SeaFrance, TVA sociale... et puis quoi encore ! Nicolas Sarkozy tend ses filets avec un art de la stratégie que François Hollande aurait tort de sous-estimer.

Le chef de l'Etat a laissé son entourage dévoiler les autres "innovations sociales" que la France pourrait expérimenter pour mieux adapter son droit et son modèle social à une économie de crise. Il s'agirait de s'inspirer des recettes qui ont marché dans le rare pays européen qui a réussi à combattre le chômage : l'Allemagne. De tous côtés remontent des informations laissant présager une année 2012 très mauvaise pour l'emploi en France, avec son cortège de plans sociaux et de délocalisations. Avec la barre des 10% de chômage en ligne de mire, ce 18 janvier promet d'être un sommet de l'urgence sociale. On pourra toujours gloser sur le fait que Nicolas Sarkozy découvre cette urgence bien tardivement, en fin de mandat, l'important est de la traiter efficacement.

Va-t-on se contenter de demi-mesures, d'emplois aidés financés par les déficits, ou bien va-t-on réellement innover pour traiter le mal à la racine ? Si l'Allemagne s'achemine vers son taux de chômage le plus bas depuis vingt ans, c'est parce qu'elle a mieux su protéger l'emploi dans la crise. Ses réponses sont simples : grâce au chômage partiel ou aux accords collectifs sur le partage du travail et/ou des salaires, son marché du travail s'est mieux adapté que le nôtre à une économie mondialisée. Elle le doit en grande partie à la force de son dialogue social et à l'esprit de responsabilité qui anime le patronat et des syndicats puissants. La France sociale de 2012 est-elle assez adulte pour s'engager sur cette voie d'accords collectifs dérogatoires protégeant l'emploi ? Est-ce une simple question d'adaptation législative de notre droit du travail ou, plus largement, une question de culture sociale ?

A bien y regarder, les torts sont partagés entre les grandes confédérations syndicales et patronales qui, pour des raisons de rigidité politique, n'ont pas su, en dehors de l'Etat, se mettre ensemble autour d'une table pour rendre possible ce que certaines entreprises ont su mettre en place au niveau microsocial, à l'exemple de Poclain Hydraulics qui a franchi la crise de 2009 grâce à un accord salaire-emploi. Cette maturité politique des acteurs de terrain est-elle si impossible qu'il faille attendre que l'Etat s'en mêle, à la veille d'échéances électorales majeures ? Est-ce que ce n'est pas plutôt la tâche de Mme Parisot (Medef), de MM. Chérèque (CFDT), Thibault (CGT) ou Mailly (FO) que de redéfinir un pacte social de compétitivité dont la paternité n'appartiendrait alors ni à la droite de Nicolas Sarkozy, ni à la gauche de François Hollande ? Dans cette affaire, l'Etat a un problème majeur de légitimité, mais les partenaires en ont un autre, peut-être plus grave encore, de représentativité.