Free n'a pas encore décroché le gros lot

Par jrosselin@latribune.fr  |   |  343  mots
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Par Eric Walther, directeur-adjoint de la rédaction

Free est mal élevé. Et on aime ça. Qu'il s'agisse d'un calcul marketing cynique ou d'une culture d'entreprise, peu importe : l'opérateur iconoclaste a trouvé le ton et sait parler au coeur de ses clients et de sa secte de fans, un peu comme y excellait Steve Jobs, à qui l'on compare volontiers son fondateur Xavier Niel. On s'en souvient. Microsoft, comme jadis IBM, géant brutal jouissant d'un monopole de fait. Face à lui Apple, un challenger beaucoup plus petit, mais furtif et créatif. Pour incarner le tout, un patron charismatique et l'histoire a pu commencer à s'écrire.

Le terrain est d'autant plus favorable aujourd'hui qu'en matière de téléphonie mobile, les utilisateurs commencent sérieusement à regimber et sont soutenus par les régulateurs : des tarifs exorbitants, opaques, de surcroît étrangement proches, un service souvent insatisfaisant, et surtout un art consommé des opérateurs actuels pour emprisonner leurs millions de clients dans des contrats soigneusement ficelés... Après le monopole d'Etat public, puis privatisé, et la vraie-fausse concurrence d'un oligopole à trois, l'arrivée de Xavier Niel et de sa bande d'ingénieurs est ressentie comme celle d'un Robin des bois. Trompe-l'oeil ? L'histoire, encore elle, nous aide à répondre. Si Free a créé en son temps un modèle - le forfait tout compris - et a fini par l'imposer à ses concurrents, cela ne s'est pas fait sans douleur.

Ceux qui ont expérimenté les services de Free à l'époque se souviennent de l'absence de relations dignes de ce nom avec ses clients, de coûts cachés, notamment en matière de désabonnement, etc. Bref, la maison n'est pas un repaire d'enfants de choeur et surtout, elle ne pourra plus compter sur la bienveillance de ses abonnés mobiles au prétexte qu'ils sont les pionniers d'une formidable aventure. Xavier Niel s'attaque à un marché mature, donc de renouvellement et de transferts. Forts de leur expérience, ses clients seront exigeants et pourront donc se permettre d'être mal élevés en le lâchant... s'il l'est avec eux.