Le diable s'habille en AA

Par pmabille@latribune.fr  |   |  364  mots
Copyright Reuters
Par Philippe Mabille, directeur adjoint de la rédaction de La Tribune.

Dans la longue histoire des coups de pied au cul, ce n'est, généralement, pas le pied le plus coupable. Depuis trente-six ans que la France bénéficiait de la meilleure notation possible, AAA, elle n'a jamais présenté un budget équilibré, lorsque sa croissance le lui aurait pourtant permis ; sa dette n'a fait que gonfler ; et ce n'est pas faire injure aux Français que de dire qu'ils ont collectivement vécu au-dessus de leurs moyens, reportant sans cesse la charge de leurs déficits sur les générations futures. La responsabilité de cette impéritie est partagée par tous les gouvernements qui se sont succédé. Mais, depuis dix ans, c'est que l'on sache la droite et elle seule qui gouverne et, depuis cinq ans, Nicolas Sarkozy qui préside.

Au cours de cette période, force est de constater que la France a décroché comme jamais elle ne l'avait fait auparavant de son principal partenaire et concurrent, l'Allemagne, qui, elle, a fait les réformes nécessaires pour conserver son rang. Impossible donc de ne pas voir dans la dégradation de notre pays autre chose que la sanction d'un mauvais bilan. On peut appeler à la "résistance" contre les marchés, diaboliser la finance apatride ou le complot américain. Cela n'y changera rien : tant que l'on aura besoin de placer des emprunts de l'Etat auprès d'investisseurs étrangers, il faudra accepter le jugement qu'ils portent sur la qualité de la signature de notre pays.

Or, même si la France, désormais notée AA +, conserve la deuxième meilleure note (sur une échelle de 22), la direction prise l'entraîne inéluctablement, si rien n'est fait, vers la seconde division. Europe du Nord ou Europe du Sud : c'est le choix stratégique qui attend les électeurs le 6 mai 2012. En dix ans, d'autres pays, au modèle social guère différent du nôtre (Canada, Suède, Finlande), sont parvenus à retrouver leur AAA. Ce ne peut être l'objectif principal, mais cela peut devenir le résultat d'une meilleure politique économique, sociale et budgétaire que celle qui a été menée jusqu'à présent.