La décentralisation, remède pour une France fracturée

François Hollande a annoncé samedi un nouvel acte de décentralisation s'il est élu en mai. Trente ans après la loi Defferre du 2 mars 1982, la question des territoires s'installe au coeur de la campagne présidentielle.
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Et si on s'intéressait un peu dans cette campagne à ce qui touche à la vraie vie quotidienne des Français. L'anniversaire des trente ans de la loi du 2 mars 1982 qui a posé l'acte I de la décentralisation en offre l'occasion. Réforme emblématique du premier septennat de François Mitterrand, elle a coupé le cordon ombilical qui reliait les collectivités territoriales et l'Etat, pour confier le pouvoir local à des assemblées d'élus. Le pouvoir exécutif est passé du préfet à des édiles locaux, maires, présidents de conseils généraux pour les départements ou de conseil régionaux pour les régions.
Plus personne ne remet en cause aujourd?hui les acquis démocratiques de cette véritable révolution, mais, à la faveur de la crise des finances publiques, une défiance s?est installée au c?ur de la république entre l?Etat et les collectivités territoriales. Le premier, qui estime avoir fait d?extraordinaires efforts de gestion, en stabilisant ses effectifs, voire en les diminuant, veut reprendre le contrôle d?un millefeuille territorial considéré comme trop dépensier. L?explosion des effectifs de la fonction publique territoriale au cours de vingt dernières années donne des armes aux partisans d?une recentralisation de la gestion locale dont on a vu un avant-goût avec la tentative de réforme territoriale imposée par Nicolas Sarkozy en 2010. Vécue comme une agression par les élus locaux, de gauche, mais aussi de droite (comme en a témoigné la fronde du Sénat dirigée par Jean-Pierre Raffarin), cette résurgence du vieil affrontement entre jacobins et girondins pourrait bien devenir un des enjeux majeur de l?élection présidentielle de 2012.
Samedi, à Dijon, le candidat socialiste a en effet annoncé un « nouvel acte de décentralisation » s?il est élu en mai prochain. Rappelant la formule de François Mitterrand _ la France a eu besoin de la centralisation pour se faire, elle a besoin de la décentralisation pour ne pas se défaire _, François Hollande s?en est vivement pris à son adversaire Nicolas Sarkozy, l?accusant de vouloir faire des élus locaux les boucs émissaires du mauvais état des finances publiques françaises.
Passons rapidement sur la polémique chiffrée. Il y a autant d?arguments en faveur des uns et des autres. Oui, la superposition des structures et des compétences locales est devenue source de confusion et d?inefficacité. Le millefeuille territorial français est une véritable anomalie administrative, dénoncée par la commission Attali sur la croissance qui avait suggéré dans son premier rapport la suppression d?un échelon local, en l?occurrence le département. Proposition que Nicolas Sarkozy, commanditaire du rapport, s?était d?ailleurs empressé d?enterrer prudemment sous une réforme d?une effroyable complexité, mais dont l?objectif principal était, par la création du conseiller territorial, de réduire le nombre et les pouvoirs des élus locaux.
Expression d?une défiance réciproque entre l?Etat et les élus locaux, cette réforme ne survivra pas à une éventuelle arrivée de François Hollande à l?Elysée. Pour le candidat socialiste, la conjonction d?une majorité de gauche dans 20 régions sur 22, dans les deux tiers des départements, et dans les principales métropoles françaises, avec l?élection d?un socialiste à la tête de l?Etat, doit au contraire être l?occasion d?un nouveau contrat de confiance. Selon lui, c?est par la réforme territoriale et par elle seule que sera rendu possible l?achèvement de la réforme de l?Etat. Aux régions, le développement économique et aux départements la solidarité et l?action sociale, le tout s?appuyant sur de grandes métropoles européennes, voilà le programme dessiné par François Hollande.
En annonçant samedi rien de moins qu?une loi sur les territoires, dés le début du quinquennat, en confirmant la fin du cumul entre un mandat local et un mandat national et en promettant une nouvelle fiscalité locale pour assurer une meilleure péréquation financière entre communes riches et pauvres et établir un lien entre la taxe d?habitation et le revenu des citoyens, il a fait des propositions précises et porteuses de changements considérables.
Ce choix de parler de la décentralisation, sujet en apparence technocratique, n?est pas anodin. Il participe d?une véritable stratégie de campagne. L?élection de 2012 révèle en effet une France fracturée par la crise. La carte de la désertification rurale ou péri-urbaine colle parfaitement avec celle du vote pour les extrêmes, là où les citoyens se sentent le plus abandonnés par l?Etat et où se concentrent l?essentiel des difficultés sociales. Par ailleurs, pour la majorité des Français, le quotidien s?inscrit dans le territoire. C?est là que se concentrent l?essentiel des questions concrètes, comme le logement, le transport, l?emploi, la santé, etc? Pour toutes ces raisons, et qu'on soit ou non d'accord avec ses propositions, François Hollande a eu raison de profiter de l?anniversaire de la loi Defferre pour expliquer ses intentions en la matière. Nicolas Sarkozy aurait tort de ne pas s?en préoccuper car c?est là aussi que se jouera l?élection du printemps.

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Commentaire 1
à écrit le 12/03/2012 à 15:16
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La décentralisation, c'était le moyen le plus sûr pour la classe politique de s'assurer des rentes de situation, en leur donnant ce rêve de tout étatiste qui s'ignore (ou feint de le faire): la capcité à lever l'impôt. Regardez autour de vous. Ce ne...

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