Hollande et le front du refus

Le candidat socialiste a raison de vouloir renégocier avec l'Allemagne un volet "Croissance" pour accompagner la discipline budgétaire.
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L'affaire du boycott de François Hollande par les principaux dirigeants conservateurs européens, vivement démenties par Londres, Madrid et Rome, plus mollement par la chancellerie allemande, bien gênée par les révélations du "Spiegel", est en train de se retourner en faveur du candidat socialiste. C'est l'ironie de l'histoire. Nicolas Sarkozy espérait sans doute par ce front du refus extérieur convaincre les Français de l'incapacité de son rival de lui succéder à la tête du pays dans un contexte de crise financière aigu. Le scénario a fait un flop retentissant, non seulement parce que l'intéressé a répondu, du tac au tac, que c'était encore les citoyens français qui choisissent leur dirigeant, mais aussi parce que, au fond, quand François Hollande dit qu'il faudra renégocier le traité européen renforçant les règles de discipline budgétaire au sein de la zone euro, il prêche en réalité des convaincus.

Partout, en Espagne, au Portugal, en Italie, mais aussi aux Pays-Bas, en Autriche, sans même parler de la Grèce, les dirigeants européens savent que les objectifs budgétaires actuels sont intenables, faute de croissance et donc que la rigueur à tout prix est contre-productive, puisqu'elle ne fait qu'aggraver le problème qu'elle est censé résoudre. L'exemple grec n'a-t-il pas suffit comme démonstration que nous vivons encore, n'en déplaise aux Ayatollah de Francfort, de Bruxelles et de Berlin, dans un monde keynésien ? Personne en Europe ne remet en cause la nécessité de réduire les déficits pour desserrer l'étau de l'endettement. François Hollande a lui-même construit son projet à l'intérieur du cadre fixé par Nicolas Sarkozy, avec un objectif de déficit de 3% en 2013 et un équilibre des finances publiques en 2017. Mais faut-il, parce qu'un nouveau traité a été signé, le faire à marche forcée, sans tenir aucun compte de l'économie réelle ? Si l'on en croit les prévisions de la BCE, la zone euro sera à nouveau en récession cette année. C'est le prix à payer pour la consolidation budgétaire en cours. Mais cette récession, qui pourrait être aggravée par des événements externes, comme la hausse du prix du pétrole, ne doit pas être transformée en dépression par un jusqu'au boutisme fiscal suicidaire.
 

François Hollande a donc raison de dire qu'il faudra rediscuter de tout cela après l'élection présidentielle. On peut même penser, sans grand risque de se tromper, que quel que soit le vainqueur du scrutin de mai, la question du rythme de l'ajustement budgétaire reviendra sur le tapis. Au jeu de poker menteur de la rigueur, la France a consenti bien peu d'effort, au regard de celui exigé de ses voisins du Sud. Qui croit sur parole le gouvernement actuel quand il nous dit que ses objectifs de déficits seront tenus sans un nouveau plan d'austérité ? Celui-ci viendra, bien évidemment après l'élection... C'est la raison pour laquelle il faudra bien rediscuter avec l'Allemagne de la politique économique qui est nécessaire pour la zone euro. Est-il normal qu'un seul pays en Europe, certes très bien géré, soit quasiment à l'équilibre budgétaire quand tous les autres sont encore en grave déficit ? La relance de la croissance européenne est un enjeu au moins aussi décisif, pour les années qui viennent, que la réaffirmation de la discipline fiscale et budgétaire.

L'Europe a fait un grand pas en avant grâce à cette crise vers une forme de fédéralisme. Mais il serait désolant qu'il se transforme en deux pas en arrière si dans le même temps, les dirigeants européens n'y associent pas une initiative commune en faveur de la croissance. C'est de cela, et de rien d'autre, que François Hollande veut discuter avec Angela Merkel s'il est élu à l'Elysée. En s'immiscant dans la campagne électorale française, la chancelière prend le risque inutile de détériorer la relation franco-allemande, sans rien avoir à y gagner. Car, si le candidat socialiste est élu, il aura beau jeu de lui renvoyer la pareille en allant discuter avec le SPD et les Verts allemands, beaucoup plus proches de sa position. Or, il y aura, que l'on sache, des élections en Allemagne en 2013. Angela Merkel ferait donc peut-être bien de réfléchir à deux fois à la proposition de François Hollande, plutôt que de lui opposer un "Nein" catégorique. Elle sait très bien qu'il n'y aura pas d'Allemagne forte dans une Europe faible. Et, après tout, peut-être se souviendra-t-elle, une fois les feux de la campagne électorale française éteints, que ce sont des socialistes français qui ont fait ajouter, en 1999, lors de la négociation du traité d'Amsterdam, un volet "croissance" au pacte de stabilité. Et que c'est un gouvernement social-démocrate allemand, celui de Gerhardt Schröder qui a déchiré, au vu et au sus de toute l'Europe, le dit "pacte", en 2003, en même temps que le gouvernement Chirac, auquel appartenait un certain Nicolas Sarkozy.

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Commentaires 3
à écrit le 12/03/2012 à 7:31
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M. Mabille, croyez-vous sincèrement en la capacité d'une équipe qui il y a six mois s'étripait encore à coups de lâchetés et d'attaques personnelles, à diriger un pays ? M. Hollande a des économistes qui travaillent pour lui, toutes ses propositions ...

à écrit le 08/03/2012 à 10:52
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Un éditorial décapant de la part d'un journal économique et financier! Et qui prend la pensée unique européenne au piège des ses contradictions. En effet, l'idée absurde des dirigeants qui ont mis au point la "solution grecque" et le pacte en "or" e...

à écrit le 07/03/2012 à 12:58
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L'absence de possibilité contrôle de la crise actuelle par les états provient de leur endettement excessif, qui provient lui-même exclusivement de l'absence de contrôle des dépenses publiques. Clairement Mr Hollande n'a pas de stratégie pour la réd...

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