Peut-on encore sortir de l'impasse ?

Par François Roche, direcetur de la rédaction de La Tribune  |   |  890  mots
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Comment l'Europe va-t-elle se sortir de l'impasse dans laquelle elle s'enfonce, jours après jours ? Peu d'experts, d'économistes ou de dirigeants politiques osent une réponse à cette question. Pendant quelques semaines, le thème du retour de la croissance a fait illusion.

On a cru trouver une martingale qui, d?un coup, aurait transformé le paysage économique de l?Europe et allumé, partout, les feux de la croissance. Il n?aura fallu que quelques jours pour que l?on réalise qu?il ne suffit pas d?exiger que le mot croissance figure sur tel ou tel texte pour que les outils qui permettront cette croissance soient inventés et mis en ?uvre dans l?instant. Qu?il s?agisse de la recapitalisation de la BEI, de la mise en ?uvre des « project bonds » de l?identification de projets d?infrastructures qui pourraient faire l?objet de financements mixtes public-privé, tout cela prendra du temps, beaucoup de temps.

 

On a pensé ensuite prendre l?Allemagne par surprise sur les euro-obligations. Mais pour toutes les raisons qui sont largement exposées dans ces colonnes, le gouvernement allemand n?y est pas prêt. Il a de bonnes raisons pour cela, même si nous avons le droit de les considérer comme égoïstes. Que reste-t-il comme solution praticable à un terme compatible avec les engagements de retour à l?équilibre des comptes, faits par les pays membres de la zone euro?? Franchement, à part les réformes dites structurelles, on n?en voit guère. L?exemple espagnol montre que l?un des sujets les plus épineux d?un certain nombre de pays européens est la solvabilité du système bancaire. Comme le rappelle l?économiste Jean Tirole dans ce numéro (lire page 8), les autorités européennes ont eu le tort de considérer différemment la dette souveraine des états et la dette « privée » des banques. Dans la réalité, on voit bien que la dette privée des banques devient la dette publique des états. La dette de Bankia est celle de l?état espagnol, cela ne fait aujourd?hui de doute pour quiconque.

 

Or, les autorités nationales de contrôle des banques ont totalement échoué à prévenir le risque d?insolvabilité des banques en Espagne (le gouverneur de la Banque d?Espagne vient d?ailleurs d?annoncer sa démission) mais aussi en Irlande. Si la zone euro veut être cohérente avec les nouveaux principes d?intégration et de gouvernance dont elle veut se doter, elle devrait instaurer un contrôle européen de ses banques. À quoi sert en effet de gendarmer les états sur leurs déficits excessifs, comme le fait Bruxelles avec la France, si personne en Europe n?est en mesure de contrôler l?état du système financier de la zone euro ? Une piste de sortie de crise pourrait donc être celle de gouvernances plus centralisées, ce qui implique des pertes de souveraineté dont on ne voit pas comment l?Union Européenne et la zone euro pourraient s?abstraire.

 

 

L?insoutenable de compétitivité de l?Allemagne

On aura beau demander à l?Allemagne de prendre à sa charge une partie du chemin, en acceptant davantage d?inflation, en généralisant les hausses de salaires, en lui imposant, d?une façon ou d?une autre, d?assurer davantage la zone euro contre le risque d?insolvabilité, on n?aura rien résolu sur le fond. C?est là où l?heure de vérité approche avec la France. L?écart de coût du travail de chaque côté du Rhin est proche de son niveau de rupture. En toute logique, ce chantier devrait être la priorité du gouvernement, après qu?on l?a laissé en déshérence depuis une bonne dizaine d?années. Mais il y a une réalité politique dont il faut tenir compte, et qui ne va pas plaider pour une réforme structurelle du marché du travail, par exemple ? un sujet que la Commission européenne a pointé du doigt, car il est central.

 

 

L?inefficacité relative des plans d?austérité et de redressement mis en place en Europe.

 

Comment l?Espagne pourrait-elle passer d?un déficit de 8,9 % à la fin 2011 à 3 % en 2013, comme elle s?y est engagée, et cela malgré un nouveau plan d?austérité de 27 milliards d?euros en 2012, qui ne prend pas en compte une éventuelle recapitalisation massive de son système bancaire ?

On voit bien que les méthodes utilisées jusqu?à maintenant patinent. Les injections de liquidités de la BCE vers le système bancaire européen (1 000 milliards d?euros en quelques mois) ont surtout servi à désendetter les banques allemandes (lire notre dossier, page 4) mais n?ont pas suffi à ramener la sérénité attendue dans les banques du sud de l?Europe. Il faudra sans doute recommencer. Les plans d?austérité ne produisent pas d?effets spectaculaires, pour l?instant, sur la compétitivité des pays qui les mettent en ?uvre (sauf en Grèce?) et ne créent aucun effet « croissance ». Seuls un nouvel examen en profondeur des objectifs de baisse des déficits et de leur calendrier, une analyse des régulations financières à mettre en ?uvre au niveau européen, la mise en ?uvre d?un plan concerté de retour à la compétitivité de pays les moins performants pourraient peut-être favoriser l?ouverture d?une perspective nouvelle et un peu plus encourageante que ce rendez-vous avec l?apocalypse qui semble se profiler devant nous.