Les cinq montagnes d'Arnaud... le matamore

Par Philippe Mabille  |   |  637  mots
Philippe Mabille
Mais que peut-il faire ? « Inviter » la famille Peugeot à s'expliquer, c'est bien. Trouver un chemin crédible pour redresser l'industrie nationale, c'est autre chose. Le « pacte productif » sur lequel travaille le gouvernement se mène sur cinq fronts, qui sont autant de montagnes à franchir.

Que peut faire le gouvernement pour sortir par le haut du délitement de l'industrie nationale ? Le décor a été planté mercredi 11 juillet lors de la réunion de la conférence nationale de l'industrie, qui a suivi la « grande conférence sociale » de la veille. Confronté à l'urgence, le gouvernement veut mettre en ?uvre un « pacte productif » dont il a confié l'élaboration à louis gallois, le nouveau commissaire aux investissements d'avenir. L'ancien patron d'EADS rendra son rapport à la mi-octobre. le langage est guerrier. « L'heure de l'action est venue », a affirmé le premier ministre, Jean-Marc Ayrault. et dans un discours hyper-volontariste, Arnaud Montebourg a détaillé les cinq fronts sur lesquels il entend se battre.

Le premier front est celui de la compétitivité. le gouvernement a reconnu la réalité de la question du coût du travail. il veut y répondre par une réforme du financement de la protection sociale. inutile de dire que ce ne sont pas les trois points de baisse du coût du travail chargé envisagé au travers de la CSG sociale (ou autre) qui résoudront le problème.

Deuxième montagne, le financement des entreprises. Arnaud Montebourg bataille avec son collègue de l'économie, pierre Moscovici, pour avoir la main sur la future banque publique d'investissement et sur la mobilisation de l'épargne en faveur de l'industrie et des pme. mais le trésor n'entend pas laisser la banque publique aux mains des régions au risque de financer les brebis galeuses sur des critères « politiques ».

Le troisième front est celui de la « souveraineté énergétique », pour faire de l'énergie bon marché un levier. Arnaud Montebourg a clairement pris le parti du lobby nucléaire et promet de rapidement devenir le meilleur ennemi des écologistes : à l'occasion de la refonte promise du Code minier, à l'automne, il a ouvert la voie à un réexamen de la question de l'exploitation des gaz de schiste, dont regorgerait notre sous-sol. là encore, un défi de taille face à l'opinion.

Quatrième montagne, la recherche et l'innovation, la seule voie crédible à long terme pour regagner de la compétitivité par la qualité et la valeur ajoutée. Arnaud Montebourg veut mieux concentrer l'action de l'état en faveur des pôles de compétitivité, ce qui présage des révisions déchirantes et de dures batailles avec les collectivités locales. il souhaite aussi importer en France le mécanisme américain du programme small business innovation research, qui permettrait de mieux diffuser l'argent public vers les pme innovantes.

Enfin, le cinquième front est celui de la philosophie de la concurrence. Sur le dossier des télécoms, le ministre a affiché la couleur avec Fleur Pellerin : pour relocaliser des emplois en France et empêcher ce secteur d'en détruire avec l'arrivée de Free, il plaide pour un arbitrage différent entre le producteur et le consommateur. La loi Chatel de 2008 est dans le collimateur, ainsi que l'Arcep, le régulateur des télécoms. Pour gravir cette montagne-là, Arnaud Montebourg devra passer sur le corps des associations de consommateurs.

Reste la plus grosse montagne, face à laquelle tous les gouvernements ont calé jusqu'ici?: aucun pacte productif n'est possible s'il ne s'accompagne pas d'un pacte social qui améliore le fonctionnement du marché du travail. Arnaud le matamore veut s'attaquer aux « licenciements abusifs » et jouer la carte du don-nant-donnant avec les entreprises aidées par l'état.
Mais comment définir un plan social abusif, s'agissant d'entreprises privées ?le véritable enjeu est ailleurs, dans la réforme de la culture de la négociation sociale d'un pays qui n'a pas su anticiper, avant qu'ils n'éclatent inéluctablement, les problèmes d'emploi, de surcapacités, de formation et de reconversion des salariés.