Le fiasco de Mario Monti ou l'échec de l'idéologie technocratique

Le président du conseil italien n'est pas parvenu à déclencher la colère des parlementaires allemands et sa politique économique entraîne le pays dans une profonde récession. Son échec montre la nécessité d'une rupture dans la construction européenne.
DR

Mario Monti a longtemps bénéficié, dans l'opinion européenne, de son statut de successeur de Silvio Berlusconi. Autant le Cavaliere était honni, autant l'ancien commissaire européen était, à ses débuts, porteur d'espoir. On promettait au nouveau président du conseil l'avenir le plus glorieux. On ne doutait guère, grâce à ses compétences d'ancien commissaire européen, de sa capacité à redresser la troisième économie de la zone euro et l'on prédisait déjà qu'il saurait s'imposer dans les négociations européennes afin de briser le monopole du « couple franco-allemand » dans la gestion de la crise. Le sommet de la fin juin pouvait avoir confirmé cette stature lorsque le locataire du palazzo Chigi avait « imposé » à l'Allemagne le principe du rachat des obligations d'Etat italiennes sur le marché secondaire par le Mécanisme européen de stabilité et le Fonds européen de stabilité financière.

Réticences nordiques

Il s'agissait pourtant d'une victoire de façade. En Allemagne, les membres de la majorité parlementaire d'Angela Merkel ont rapidement protesté contre cette décision de principe et à Helsinki et à la Haye, on a d'emblée mis son veto à de tels rachats. Et si la BCE décide finalement de passer à l'action à la rentrée, non sans hésitations et polémiques, ce sera justement parce que Mario Monti aura échoué à convaincre les pays du nord de soutenir le marché obligataire italien.

Mise en garde

Alors, depuis, Mario Monti peste contre « l'égoïsme » nordique. Sur tous les tons. Après avoir tenté la colère à Aix en Provence, il s'est essayé à l'intimidation lundi en mettant en garde contre la montée du sentiment anti-allemand. Son idée était évidemment de convaincre Berlin d'assouplir ses positions pour éviter l'aggravation de la vague de germanophobie. Son mouvement a cependant lamentablement échoué.

Plaidoyer pour l'intergouvernementalité

Car il a accompagné cette mise en garde d'un conseil : réduire le rôle des parlements nationaux. Son plaidoyer pour l'intergouvernementalité, « seule capable de dégager des marges de négociation » était un plaidoyer pour sa propre action lors du sommet de juin. Ce que voulait dire Mario Monti, c'était : « laissez-nous gérer vos affaires seuls selon nos propres stratégies ». Mais c'était aussi la preuve de sa mécompréhension totale de la situation : car c'est justement cette gestion de la crise par les gouvernements nationaux seuls depuis 2010 qui a conduit à l'aggravation de la situation, à une stratégie à la petite semaine, à un rejet général des politiques menées par les populations, au Nord comme au Sud de l'Europe. Jusqu'alors, les parlements ne les ont guère entravés et l'on est passé d'une crise limitée çà la Grèce à une récession mondiale. Alors même que les faits montrent que la gestion par les gouvernements a échoué, Mario Monti réclame que l'on aille encore plus loin dans ce sens. On ne change pas une formule perdante.

Ecouter les parlements

La Cour constitutionnelle de Karlsruhe a renforcé en juin les pouvoirs du Bundestag. Ce fait n'est pas négociable. Raison supplémentaire de ne pas se mettre à dos les parlementaires allemands comme vient de le faire avec bien peu de pertinence le président du conseil italien. Au contraire, Mario Monti devrait-il s'en inspirer et demander à ses propres députés de participer à l'élaboration de sa politique. Jusqu'ici, il leur a plutôt joué le mode de la terreur : voter l'austérité ou ce sera le chaos. Mais la cruelle réalité, c'est que l'Italie risque d'avoir les deux. Les chiffres de la récession publiées ce mardi prouvent que l'austérité de Mario Monti étrangle l'économie péninsulaire. Et cette politique a échoué à rétablir la confiance des marchés : c'est justement pour cela que le président du conseil doit réclamer une intervention du FESF ou de la BCE. Le gouvernement « technique » n'aura guère réussi à l'Italie.

Fiasco d'une idéologie périmée

Le fiasco de Mario Monti, comme celui en Grèce de Lukas Papadémos, est l'échec d'une certaine idéologie européenne : celle qui veut que « les techniciens » règlent mieux les problèmes que les politiques et que les gouvernements sont plus compétents que les parlements et plus sages que les peuples. C'est l'idéologie qui a présidé à la construction de l'Europe telle qu'elle est aujourd'hui et qui montre ses limites. Depuis l'échec de la constitution européenne et la crise de la zone euro, ces arguments d'autorités des « experts » ne sont plus de mise. Cette politique par le haut a échoué. Pour sauver l'Europe, il faut désormais impliquer les peuples, soit par les parlements nationaux, soit par une structure politique fédérale vraiment démocratique. C'est ce choix qui est devant tous les Européens. Mais une chose est certaine : les Européens d'hier ne construiront pas l'Europe de demain.
 

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 27
à écrit le 13/08/2012 à 14:55
Signaler
Sig. Monti est venu nous voir à Helsinki pour discuter avec Jyrki (1° ministre / conservateur) et Jutta (ministre des finances / socialiste). Il a déclaré avoir trouvé un terrain d'entente sur le sauvetage de l'Euro, ètre allé au sauna traditionnel e...

le 01/11/2013 à 7:14
Signaler
c'est un peu comme la température réelle annoncée et la température ressentie.

à écrit le 09/08/2012 à 18:51
Signaler
Monti n'est pour rien dans l'endettement colossal dont souffre l'Italie. C'est la conséquence d'une gestion irresponsable qui date de plusieurs décennies. Cette gestion lamentabe était le fait de politiques de droite et de gauche, non de technocrates...

à écrit le 09/08/2012 à 16:30
Signaler
SIMPLEMENT HONTEUX!!!! Comment qui que ce soit peux se permettre de juger d'une personne au pouvoir depuis six mois!!! Attendez 12 a 18 mois et faites une comparaison avec Notre pays La France! On verra qui a raison entre Monti et Hollande... Moi...

à écrit le 09/08/2012 à 2:47
Signaler
Dans les prochains mois il se pourrait bien que les peuples descendent dans la rue. "Lorsque des millions de personnes se rendront compte que l'on ne peut plus vivre comme par le passé, la révolution sera logique et inévitable". D'après "les corps in...

le 09/08/2012 à 8:39
Signaler
Dans vos rêves.

le 09/08/2012 à 10:22
Signaler
Vous avez raison. En France c'est l'abondance. Il n'y a pas de problème et c'est le bonheur pour tout le monde, le chômage régresse comme jamais et les retraites augmentent aussi comme jamais encore. L'avenir est donc radieux.

à écrit le 09/08/2012 à 0:36
Signaler
je trouve ce texte assez judicieux et pertinent; et la question que l'on peut se poser c'est pourquoi l'expression "une relance de type keynésienne" c'est transformer en insulte au sein des institution eurocratiques? pourquoi relancer les industries ...

à écrit le 08/08/2012 à 23:48
Signaler
touchant, mais les députés ne sont pas "le peuple" ! Ils ont conduit les mêmes états à crouler sous les dettes, par l'escroquerie de s'acheter des électeurs avec des dépenses publiques excessives... Et maintenant ils ont des trillions d'Euro de "créd...

à écrit le 08/08/2012 à 20:08
Signaler
J'aurez trouver un peu plus courageux que M.Gondin s'attaque à Mme Merkel...bizarre comme on se croit tout permis avec les italiens.

à écrit le 08/08/2012 à 20:06
Signaler
Votre article est un doux euphemisme. Il faudrait peut etre lire le contenu du TSCG (article 4). Normalement d'après l'article 4, l'Italie devrait avoir un excédent budgétaire de 1% en 2013 la France -1%.Parmi les 4 grands pays de la zone Euro seule ...

à écrit le 08/08/2012 à 18:52
Signaler
@ soignant je vois plein d'optimisme en vous.

à écrit le 08/08/2012 à 18:02
Signaler
Ecoutez candidement la colere qui gronde , attisée par tous les populistes, refusez de payer vos dettes et d'equilibrer vos comptes et continuez à vivre à credit sur le reste du monde, prolongez encore quelques années pour laisser rembourser vos enfa...

à écrit le 08/08/2012 à 15:59
Signaler
M. Monti applique une politique dicté à tous les pays européens en difficulté par la Troika européenne envers les pays en crise.. C'est pourquoi il en a reçu satisfecit de tous ses collégues outre rhin et cisalpins. C'est l'échec de la politique éco...

le 09/08/2012 à 14:38
Signaler
"C'est l'échec de la politique économique de toute l'Europe qui est un échec, politique exigée par le gouvernement Allemand qui a peur de "devoir passé à la caisse" pour tout le monde." Le gouvernement Allemand n'a par ailleurs pas la meme peur lo...

à écrit le 08/08/2012 à 15:02
Signaler
L'analyse me semble pertinente dans l'ensemble; j'ajouterai que cet échec des "technocrates" et celle aussi des auto-proclamés experts économiques qui sont à l'image des marchés, moutonniers, et qui ne font que reproduire l'idéologie du "tout est fin...

le 08/08/2012 à 17:13
Signaler
il est temps que les politiques reprennent la main......c'est bien eux les politiques qui avec leur promesses demago nous ont surrendettés depuis les années 70!!! et oui monsieur l'inconvenient majeur c'est que les politiques n'ont jamais appris la ...

le 09/08/2012 à 1:43
Signaler
... Notre président n'a jamais été ministre, et aucun ministre n'a travaillé dans le secteur privé. Ils disent qu'il y a un pilote dans l'avion, je les imagine en pleine turbulence en train de comprendre les notices. On n'aura pas tout perdu, on aur...

à écrit le 08/08/2012 à 13:40
Signaler
la politique de Monti est un echéc. *************************************** La politique de la république hollandaise nous prépare de même un echéc ! --------------------------------------------------------------------------------------------------...

à écrit le 08/08/2012 à 11:45
Signaler
Cher Romaric Godin, cet article montre votre méconnaissance de la politique italienne. A vous en croire, Mario Monti est responsable de la récession en Italie et les parlementaires n'y sont pour rien. Vous serez donc satisfait de l'après-Monti avec l...

à écrit le 08/08/2012 à 8:50
Signaler
Pour bien comprendre ce que le remboursement de la dette de l'état implique, je vous conseille la vidéo sur l'argent dette. Elle dure 10 minutes et explique la création monétaire qui passe par la création de dette. (Pour trouver la vidéo je vous lais...

le 08/08/2012 à 9:03
Signaler
On la connait la vidéo, et alors, c'est quoi l implication ?

le 08/08/2012 à 10:53
Signaler
@ toto : arrêtez de ressortir ces explications stupides. La seule et pure création monétaire c'est la planche à billets de la banque centrale, cela a été abondamment démontré par la théorie quantitative de la monnaie de milton Friedman dans les année...

à écrit le 08/08/2012 à 7:43
Signaler
je suis d accord avec francescav. cet article est incroyablement mauvais. Mario Monti a au moins le courage de prendre le probleme a bras le corps. Il est evident que faire fonctionner une economie avec son vrai budget et non plus a credit aura un im...

à écrit le 08/08/2012 à 5:54
Signaler
excellent article qui montre a tel point comment les néo libéraux amènent les peuples dans une impasse.je note que la france qui n'a pas voulu des fameuses réformes structurelles se porte très bien.on glose sur les régimes spéciaux ,les collectivités...

le 08/08/2012 à 9:06
Signaler
Vous ne voyez pas que le taux de chômage bat des records ? Vous en voyez pas les problèmes ? Encore un aveugle !

à écrit le 07/08/2012 à 18:46
Signaler
Votre article tellement excessif manque singulièrement de modestie...c'est vrai cette crise n'est pas du tout compliquée, la BCE a raison, les marchés ont raison, Merkel a raison mais Monti a tort, c'est ça ? Vous avez vu les chiffres aussi d'aujour...

le 08/08/2012 à 9:53
Signaler
francescav je pense que votre analyse du point de vue de Mr Godin est quelque peu erroné. Il ne s'agit pas de dire que Mario Monti n'est pas compétent mais plutôt(presque) dépassé par la situation. Il a beau être technocrate il n'en demeure pas moin...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.