Money, money, money !

Par Florence Autret, à Bruxelles  |   |  613  mots
Florence Autret / DR
On parle beaucoup d'argent ces temps-ci à Bruxelles : des euros que Mario Draghi pourrait bien imprimer dans les semaines à venir, mais aussi et même surtout de l'argent qui manque dans les caisses de l'Union. La bataille fait rage sur trois fronts.

D'abord, il va falloir boucler le budget 2012. Or il manque au bas mot 800 millions d'euros pour régler les factures attendues d'ici au 31 décembre, nous disait récemment un député européen. La Commission européenne sortira en octobre son budget rectificatif, mais les capitales nationales rechignent déjà, au nom de l'austérité, à « financer Bruxelles ». Elles oublient de rappeler que, sur 100 euros de budget communautaire, 96 reviennent dans leurs territoires via les entreprises, les centres de recherche et les collectivités territoriales.

L'enjeu de la stratégie de croissance. Pour le budget 2013, la négociation se poursuit dans la douleur. Selon la Commission, pour respecter les engagements déjà pris, il faudra près de 7 % de fonds de plus qu'en 2012, soit 138 milliards d'euros. Seulement voilà, pour 2013, les grands argentiers des Vingt-Sept ne sont prêts à lâcher que 3 % de plus que l'an dernier. Comme les crédits européens sont de toute façon déjà engagés, ces quatre points d'écart sont pour une large part un trompe-l'?il destiné à réduire la ligne « UE » dans les budgets nationaux 2013 et à repousser les décaissements fin 2013. Tout cela n'est rien comparé au véritable enjeu : le prochain cycle budgétaire de sept ans qui commencera en 2014. Ici se joue la grande « stratégie de croissance » ardemment défendue par le président François Hollande.

1000 milliards. La Commission demande 1000 milliards. Les États membres en voudraient 100 de moins. La crainte des industriels, qui suivent de près ces tractations, est que les investissements de croissance fassent les frais d'un compromis entre les défenseurs de la politique agricole commune (au premier rang desquels Paris), d'un côté, et ceux des aides régionales (principalement le sud et l'est de l'Europe), de l'autre. « La recherche va être la variable d'ajustement », constate avec colère le lobbyiste d'un grand groupe qui participe à plusieurs programmes portant sur des milliards de fonds européens. Le gouvernement Ayrault a fait savoir, par voie diplomatique, que « les arbitrages ne sont pas rendus ». Très rassurant. Or, selon Bruxelles, le programme de 80 milliards d'euros d'aides à la recherche proposé pour la période 2014-2020 devrait générer des gains de productivité colossaux : 13 euros de gain de valeur ajoutée pour 1 euro dépensé. « Horizon 2020 » coûterait à la France environ 1,8 milliard d'euros par an. Un chiffre à rapporter au coût du crédit d'impôt recherche (CIR) franco-français (4 milliards par an, 5 en 2014), dont un sénateur socialiste a fait cet été un bilan au vitriol. Selon Michel Berson, il serait possible d'« éviter le gaspillage de 800 millions d'euros par an » en réformant le CIR de façon à supprimer l'effet d'aubaine - d'optimisation fiscale -qu'il produit pour les grandes entreprises.

Inquiétudes. Dans l'Hexagone, 7869 entreprises ou centres de recherche ont engrangé pas moins de 3 milliards d'euros au titre des programmes de recherche euro-péens 2007-2013. Les 1279 PME bénéficiaires, elles, ont capté plus de 40% des 813 millions d'euros destinés au secteur privé. Une proportion que le CIR n'atteindra jamais. Tout aussi inquiètes que les entreprises, les collectivités territoriales ont reçu 14 milliards d'euros du programme 2007-2013 pour l'emploi et la compétitivité régionale (faisant de la France le premier pays bénéficiaire d'Europe). Sachant que chaque euro de l'UE génère dans ce cadre 1,50 euro de financement supplémentaire (via des budgets publics ou des prêts), les coupes auraient aussi des effets démultiplicateurs... à la baisse. Personne ne doute que Paris aime l'Europe et désire la croissance. Mais, comme chantaient les Rolling Stones : « The best things in life are free... (but) your love won't pay my bills... I want money ».