Règle d'or  : déjà Mendès France...

Par Philippe Mabille  |   |  528  mots
Philippe Mabille, directeur adjoint de la rédaction
La transparence, c'est toujours mieux quand elle s'applique aux autres. En acceptant de réduire de 10 % le montant de leur indemnité représentative de frais de mandat (IRFM), tout en refusant de rendre compte de l'usage qu'ils font de cet argent, les députés viennent de montrer pourquoi il est si difficile de réduire la dépense publique dans notre pays. Comment ceux chargés de voter un budget qui réclame un effort à tous les Français peuvent-ils être crédibles s'ils ne s'appliquent pas à eux-mêmes la rigueur qu'ils exigent des autres ?

Cette décision est emblématique des dysfonctionnements de notre démocratie. Les mêmes résistent avec acharnement à toute remise en cause du cumul des mandats, qui figure pourtant parmi les promesses du président élu. Mais comment ne pas voir qu'il est incompatible d'exercer à la fois un mandat national et un mandat local lorsque le premier exige de contrôler les dépenses du second ? On n'est pas ici dans le symbole, mais au c?ur du problème de la dépense publique, à savoir son défaut de gouvernance. Edgar Faure l'avait très bien dit : « La France sait faire, mais ne sait pas défaire. » Depuis vingt ans, on a multiplié les structures, empilé les niveaux territoriaux, créé des agences publiques et parapubliques aux fonctions souvent redondantes, pour ne pas dire inutiles. Il est temps de se rendre compte d'une simple vérité : si on ne parvient pas à réduire les dépenses, c'est parce qu'on ne le veut pas. C'est évidemment tellement plus facile d'augmenter les impôts.

Le procès est certes un peu injuste. N'y a-t-il pas eu la RGPP, la fameuse revue générale des politiques publiques ? Il faut lire le rapport remis mardi à ce propos au Premier ministre pour comprendre pourquoi réformer l'État est aussi ingrat. Les fonctionnaires qui ont mis en ?uvre cette politique y sont injustement accusés d'avoir procédé à des rationalisations aveugles, appliquant des méthodes de consultants du privé, dans le seul but de réaliser des économies rapides et sous la pression d'une règle de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux qui aurait « pris le pas » sur les autres objectifs. La RGPP a pourtant produit de bons résultats, avec près de 12 milliards d'euros d'économies de 2009 à 2012. Et, dans le budget 2013, certains ministères comme Bercy appliqueront même une règle encore plus rigoureuse, avec le non-remplacement de deux départs sur trois. Preuve que c'est possible et que la méthode a du bon, même s'il faut sans doute la rendre plus humaine en y associant mieux les fonctionnaires.

Le nouveau gouvernement s'apprête à la reprendre sous un autre nom, en étendant l'approche à une réflexion sur le périmètre des missions de l'État, en liaison avec celles des collectivités locales et de la Sécurité sociale. Le 1er octobre, Jean-Marc Ayrault donnera le coup d'envoi à cette « RGPP de gauche » qui ira de pair avec l'acte III de la décentralisation. Peut-être pourra-t-il s'inspirer utilement du discours « Gouverner, c'est choisir », prononcé le 3 juin 1953 par Pierre Mendès France : « Ne disposant que de moyens limités, nous devons veiller soigneusement à les affecter aux objets essentiels, à éliminer ce qui est moins important au profit de ce qui l'est davantage. Dans tous les domaines, nous aurons à transférer l'effort de l'improductif au productif, du moins utile au plus utile. Ce sera la règle d'or de notre redressement, règle universelle valable pour les activités privées comme pour le secteur public. L'État doit donner l'exemple. » Soixante ans après, la règle d'or de Mendès France n'a pas pris une ride.