La France en état de "chocs"

Par Philippe Mabille  |   |  588  mots
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La France vient de subir trois chocs majeurs en ce début d'automne 2012. Un choc social avec le franchissement de la barre des 3 millions de chômeurs, amplifié par la multiplication des plans sociaux.

Un choc économique, avec le sentiment d'une panne complète de croissance, qui risque de tourner à la récession en raison de l'austérité budgétaire. Un choc fiscal, enfin, avec une loi de Finances qui va prélever 20 milliards d'euros de recettes nouvelles sur les ménages et les entreprises en 2013. Du jamais vu !
Ces trois chocs ont pour point commun de fabriquer du découragement. Découragement des ouvriers, qui voient se fermer les usines les unes après les autres et manifestent leur désillusion devant l'impuissance politique. Découragement aussi des entrepreneurs, qui estiment que la France prend avec la hausse continuelle des impôts un chemin létal pour la croissance. La révolte fiscale des « Pigeons » est le symptôme d'un phénomène d'overdose que l'on ne peut ignorer. Mené au départ par des entrepreneurs du Net inquiets à la perspective de payer plus de 60% d'impôt sur leurs plus-values, ce mouvement est en train de muter pour fédérer de façon spontanée le malaise de tous les petits chefs d'entreprise, auto-entre-preneurs ou professions libérales, qui ont l'impression d'être la vache à lait de l'État. De là à imaginer la naissance d'un Tea Party à la française...François Hollande paye cash le prix politique de ce triple choc par une chute de sa popularité, la plus rapide jamais connue par un président nouvellement élu. Cinq mois après avoir porté avec espoir un président socialiste au pouvoir, la gauche se divise déjà et manifeste contre l'austérité et le traité budgétaire européen. Contrairement à ce que disent ses détracteurs, ce texte, certes signé par Nicolas Sarkozy, apporte pourtant plus de souplesse que le traité de Maastricht : avec la notion de déficit structurel, il permet de tenir compte des aléas de la conjoncture. En résumé, le « non » au traité ne change rien et aggrave même le problème en nuisant à la crédibilité de la signature de la France sur les marchés. Le « oui » permet d'espérer qu'au printemps 2013, la commission de Bruxelles ajuste le calendrier de la baisse du déficit public si la situation économique ne s'arrange pas. Pascal disait que croire en Dieu est un pari moins risqué que d'être athée. Avec le traité budgétaire européen, le choix qui nous est proposé est finalement assez semblable.
Pour couper court au découragement des Français, François Hollande va devoir répondre par un contre-choc de grande ampleur. C'est tout l'enjeu des nouvelles réformes en cours, qu'il s'agisse du rapport sur la compétitivité que remettra Louis Gallois d'ici à la mi-octobre ou de la négociation sociale sur la flexisécurité de l'emploi. L'ancien président d'EADS va proposer une véritable révolution fiscale : transférer massivement les charges patronales sur la fiscalité. La piste de la TVA étant écartée, il ne reste plus que la CSG et la fiscalité écologique. Toute la difficulté pour le gouvernement sera de doser cette réforme : 30, 40 ou 50 milliards d'euros ? En une seule fois ou bien en l'étalant sur cinq ans ? Vu l'ampleur du choc fiscal du budget, la sagesse devrait conduire à privilégier un transfert progressif. La baisse du coût du travail n'est de toute façon qu'une petite partie du problème de la compétitivité : la recherche-développement, la réforme du marché de l'emploi et celle de la formation professionnelle sont au moins aussi importantes.