Cocorico !

Par Florence Autret  |   |  623  mots
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Vendredi 12 octobre s'est ouvert à Kinshasa le XIVe sommet de la Francophonie. Quel est le rapport avec l'Europe? Le français, voyons!

Pour participer à cet événement planétaire qui occupe des divisions de diplomates depuis des mois, tous les Français de la Commission européenne ont été conviés à - je cite dans le texte un e-mail ("courriel") du ministère des Affaires étrangères - "célébrer cette journée en parlant français et en initiant, dans leur environnement professionnel, des activités relatives aux valeurs de la francophonie". Les quelques milliers de Français de la Commission étaient également invités à porter "le ruban ou l'aiguille [de la francophonie] qui ont clairement un important rôle d'expression silencieuse et de reconnaissance".

Inutile de dire que l'injonction a été accueillie avec consternation dans les couloirs de l'exécutif européen. Pourquoi pas nous demander d'arriver au bureau avec une cocarde et un bonnet phrygien, se sont demandés certains qui se voyaient mal adresser soudain la parole en français à leur patron lituanien qui n'y eut rien compris. Tout cela, a-t-on voulu les rassurer, devait rester très bon enfant. "Cette initiative se veut aussi ludique", invitait un diplomate chargé de relayer l'opération. Un Scrabble et un Trivial Poursuit (en français), rien de tel pour animer de quelques bons mots (français) la pause déjeuner! On peut dire merci aux fonctionnaires français de la Commission d'avoir sauvé du ridicule leur pays et la francophonie en se soustrayant à ces étranges suggestions qui montrent qu'hélas l'État n'est pas le dernier à céder aux sirènes de cette "festivocratie" tant raillée par le regretté Philippe Muray, l'essayiste et romancier aux célèbres petites phrases assassines.

Heureusement, tous les Français venant à Bruxelles ne débarquent pas avec un drapeau bleu-blanc-rouge peint sur la joue. Ce qui ne les empêche pas de porter haut les couleurs de leur région et de leur pays. Ainsi, la présidente d'Aerospace Valley (en français dans le texte) était récemment de passage à Bruxelles pour parler de la filière aéronautique et spatiale à tout ce que la capitale compte de décideurs.
S'étant aperçue que les 300 PME du pôle de compétitivité avaient un taux de succès plutôt limité sur les appels d'offres, Agnès Paillard était venue voir comment mieux brancher ses adhérents sur les circuits européens. L'objectif est d'aider ces entreprises à sortir de la relation souvent consanguine qu'elles entretiennent avec les grands groupes et qui dissuade les investisseurs de leur apporter les capitaux dont elles manquent pour devenir l'égal du prospère Mittelstand allemand. "Se positionner sur un projet européen amène une visibilité dont nos PME peuvent profiter. Cela a plein d'effets positifs", constate-t-elle.


Elle entend bien aussi faire "descendre" des Bruxellois du côté de Toulouse et de Bordeaux. Au commissaire européen Michel Barnier, attendu à Toulouse le 12 octobre, devraient donc succéder des responsables de programmes spécifiques, histoire d'informer et de motiver les troupes.

L'enjeu est d'autant plus important que Paris a décidé de régionaliser la gestion des "fonds structurels" à partir de 2014. Dans la seule région Midi-Pyrénées, l'enveloppe pour 2007-2013 était de 430 millions d'euros. Sur cette période, les régions françaises sont les premières bénéficiaires des financements pour la compétitivité régionale et l'emploi du budget européen, à hauteur de 10 milliards d'euros.
Le pôle, qui réfléchit à établir une présence permanente à Bruxelles, planche sur une nouvelle "feuille de route" pour 2013-2017 par laquelle montrer que, derrière les grands groupes dont le lobbying est très actif, existe un tissu industriel fertile. Pourra-t-on en établir une version anglaise sans trahir la cause nationale? C'est toute la question.