Échange tonnes de CO2 contre... femmes !

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La «quotamania» européenne a encore frappé. Elle fait la loi -on s'en souvient- chez les pêcheurs comme chez les producteurs de biocarburants. Après le cabillaud et l'éthanol, elle s'attaque désormais au carbone et... aux?femmes! Un de mes premiers souvenirs bruxellois, comme journaliste, remonte au milieu des années 1990...

La gouvernance mondiale faisait ses premiers pas

La protection du climat était un eldorado arpenté par une armée de diplomates d'un nouveau genre, férus d'économie et de science. Après des années de débat, la Commission venait de trancher entre les deux options qui s'offraient à elle pour obliger les Européens à relâcher moins de carbone dans l'atmosphère. Écartant l'idée d'une taxe, elle avait choisi un système sophistiqué de «quotas échangeables d'émissions de CO2». J'étais venue à Bruxelles rencontrer l'homme qui pilotait ce dossier: Peter Zapfel, jeune fonctionnaire et économiste brillant, rentrait d'un séjour au Massachusetts Institute of Technology (MIT), en pointe sur la mise en place de tels marchés «artificiels». Il était en train d'écrire un texte qui allait modeler l'avenir de milliers d'industriels européens, des centrales électriques aux floats de verre, en passant par les raffineries.
Vingt ans plus tard, le marché du carbone -entreprise colossale- est devenu une réalité. Mais les espoirs nourris par ses partisans sont en partie déçus. Avec une tonne de CO2 à 7 euros, il ne permet pas de susciter chez les industriels ces arbitrages vertueux qui les amèneraient à investir dans des infrastructures plus propres, en contrepartie d'une réduction de leurs coûts d'achat des crédits carbone. À ce prix, il est plus intéressant de polluer que d'investir. La faute à la conjoncture, dit-on à la Commission européenne. La chute de la croissance mondiale et la récession en Europe ont fait baisser la demande de quotas de CO2, donc son prix. Il faudrait qu'il remonte autour de 20 euros pour redevenir incitatif.
Moyennant quoi, la Commission européenne s'apprête à proposer une révision de la directive historique pour permettre de retirer des droits à polluer du marché, ce à quoi s'opposent les gros pollueurs comme la Pologne, qui brûle encore beaucoup de charbon. En somme, la Commission songe à organiser la rareté, autrement dit à manipuler le marché... pour lui permettre de fonctionner. Joli clin d'?il de l'économie administrée à l'économie de marché.

Et les femmes dans tout cela ?

Les femmes doivent aussi avoir leur quota, car elles sont non pas en excès, mais en trop petit nombre dans les conseils d'administration. C'est au moins l'avis de Viviane Reding, vice-présidente de la Commission, qui voudrait obliger les entreprises cotées à nommer au moins 40% de femmes parmi leurs administrateurs non exécutifs. Elle remettra une proposition sur la table du collège des commissaires le 14 novembre mais ses détracteurs, notamment tous les membres les plus libéraux de la Commission, restent nombreux. D'une certaine manière, ils tirent les leçons des expériences précédentes: en imposant un nombre minimal de femmes dans les conseils, la Commission crée artificiellement une demande (et non une offre, comme pour le carbone). Or, il y a peu de femmes sur le marché, assurent-ils. Du coup, on en fait monter le prix... au risque de le déconnecter de la valeur réelle des candidates. Viviane Reding estime, elle, que l'offre de femmes compétentes est largement suffisante et propose des sanctions pécuniaires contre les entreprises les plus machistes. À ce jeu, le cours de l'administratrice non exécutive risque en effet de monter en flèche.
On notera que les défenseurs de Viviane Reding sont surtout des hommes, au premier rang desquels le président Barroso, et qu'il y a de nombreuses femmes parmi ses opposants. Comme quoi la guerre des sexes n'a pas été déclarée à la Commission européenne. C'est déjà ça.

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Commentaires 4
à écrit le 14/11/2012 à 9:24
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Baroso, Reding : deux anciens marxistes qui reviennent automatiquement chez Maman pour apporter des solutions bureaucratiques à des problèmes qui n'existaient pas avant qu'ils les créent.

le 14/11/2012 à 10:21
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Les progressistes car c est leur vraie dénomination déterminent les solutions à des problèmes que les conservateurs néo imperialistes veulent ignorer malgré leur engagements sur les reformes des institutions et le retour d une vraie démocratie re...

à écrit le 13/11/2012 à 13:05
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Drôle de comparaison provocatrice, je connaissais. Le « marché aux femmes » des Balkans mais pas celui de Bruxelles , qui restait plutôt le débouché sorte de palais des « expositions » Serions-nous nous les femmes une sorte de polluant de la vie...

à écrit le 13/11/2012 à 11:48
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"Comme quoi la guerre des sexes n'a pas été déclarée à la Commission européenne. C'est déjà ça." C'est se contenter de peu. En revanche, sous couvert de parité, la Commission autorise les assurances à relever (de 25% en moyenne !!!) les contrats d'as...

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